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ACTE I (Campement de soldats. Tentes au milieu de la campagne. A droite, au deuxième plan, l entrée de la tente du général Boum. A gauche, au premier plan, la cantine. Au fond, un praticable, représentant une colline, au milieu de la scène, monte d abord de droite à gauche, puis de gauche à droite fusils, au fond, rangés sur des râteliers. soldats, paysannes, vivandières, puis) Scène Première CHŒUR En attendant que l’heure sonne, L’heure héroïque du combat, Chantons et buvons! Courte et bonne, C’est la devise du soldat! Chantons, buvons, jouons, dansons! En attendant que l’heure sonne, L’heure héroïque du combat! etc. (Pendant ce chœur, quelques soldats valsent avec des paysannes; d’autres jouent aux cartes et aux dés sur des tambours; d’autres boivent, etc. Les vivandières vont de l’un à l’autre. Entrent Fritz et Wanda) WANDA O mon Fritz, que tu m’affliges En m’apprenant ton départ! FRITZ Va, je ferai des prodiges, Pour revenir sans retard. Allez, jeunes filles, Dansez et tournez; Vous dans vos familles Vous resterez; Mais nous, pauvres hommes, Bientôt nous irons, Pour de faibles sommes, Braver les canons. Si le sort funeste Ne peut s’éviter, Du temps qui nous reste Sachons profiter. Vidons notre verre En brave guerrier, Et tant pis, ma chère, Si c’est le dernier. O filles jolies, O braves garçons, Tournons et valsons, Valsons et tournons; Comme des toupies, Comme des tontons, Tournons et valsons, Valsons et tournons. TOUS O filles jolies, etc. FRITZ Quand, prenant les armes, Nous en irons, Que de cris, De larmes et de pâmoisons! N’ayez peur, mes belles, Nous vous écrirons, Et de nos nouvelles Nous vous donnerons. Votre cœur, je pense, Restera constant, Malgré notre absence. Mais, en attendant, Vidons notre verre, Prenons un baiser, Et tant pis, ma chère, Si c’est le dernier. O filles jolies, O braves garçons, Tournons et valsons, Valsons et tournons, Comme des toupies, Comme des tontons; Tournons et valsons, Valsons et tournons. TOUS O filles jolies, etc., etc. (Au moment où la valse est très animée, paraît le général Boum, arrivant de la droite. Il s’arrête indigné, et lève les bras au ciel il a un énorme panache sur son chapeau) Scène Seconde BOUM Des femmes dans le camp, effroyable licence! (Toutes les femmes s’enfuient avec un grand cri) FRITZ (à part) Bon! Voilà le gêneur! BOUM Avez vous donc, soldats, Perdu toute prudence? FRITZ Pour être militaire, En a-t-on moins un cœur? BOUM (venant à Fritz) Vous encor, vous parlez! FRITZ Mais, général... BOUM Silence! Quand je me fâche, L’on se tait! Car ma rigueur, on la connaît. CHŒUR Quand il se fâche, L’on se tait! Car sa rigueur, on la connaît. BOUM À cheval sur la discipline, Par les vallons je vais devant moi, J’extermine les bataillons! Le plus fier ennemi Se cache, tremblant, penaud, Quand il aperçoit Le panache que j’ai là-haut! Pif paf pouf, tara papapoum! Je suis le général Boum! Boum! TOUS Pif paf pouf, tara papapoum! Il est le général Boum! Boum! BOUM Dans nos salons, Après la guerre, je reparais; Et la plus belle, pour me plaire, Se met en frais; Elle caresse ma moustache, En souriant En ce moment là, Mon panache est fort gênant. Paf pouf, tara papapoum! Je suis le général Boum! Boum! TOUS Pif, paf pouf, tara papapoum! Il est, le général Boum! Boum! Vive le général Boum! BOUM A la bonne heure! Je retrouve mes enfants, Les vaillants soldats De la Grande-duchesse, Notre souveraine. TOUS Vive la Grande-duchesse! BOUM Vous n’êtes pas méchants, Mais il y a ce Fritz qui vous gâte. FRITZ (à part) Bon! J’étais sûr que ça allait Tomber sur moi! BOUM Fusilier Fritz, venez ici. FRITZ (s’approchant) Général? BOUM Mauvais soldat! FRITZ Je sais bien d’où ça vient, tout ça... BOUM Qu’est ce que vous dites? FRITZ Je dis que je sais bien D’où ça vient, tout ça C’est des histoires de femmes. BOUM Comment? FRITZ C’est parce que vous avez fait La cour à la petite Wanda. BOUM Pas du tout! FRITZ Je vous demande bien pardon Vous lui avez fait la cour Et elle n’a pas voulu de vous, Parce qu’elle est Amoureuse de moi et voilà! BOUM (à part) O fureur! FRITZ Elles ont mauvais goût, Les femmes elles aiment mieux Le jeune soldat que le vieux chef. BOUM Je vous mettrai À la salle de police, moi! FRITZ Ça n’y fera rien. BOUM Je vous ferai fusiller! FRITZ Comme ça sera malin! BOUM Mauvais soldat! FRITZ Ça vous serait bien égal Que je soie un mauvais soldat Mais je suis un joli soldat C’est ça qui est vexant. BOUM Taisez vous! FRITZ Je me tais mais ça n’empêche pas! BOUM Jamais je ne me suis Occupé de cette petite. FRITZ Je vous demande Bien pardon derechef, Vous vous en êtes occupé. Scène Troisième (Entre Népomuc) NÉPOMUC (à Boum) Général! BOUM Dites-moi que vous m’annoncez L’approche de l’ennemi, monsieur; Dites-le-moi, je vous en prie! NÉPOMUC Non, général Je viens vous prévenir Que la Grande-duchesse Va venir passer Son régiment en revue. BOUM Vous entendez, soldats! NÉPOMUC Elle désire qu’une tente Soit dressée pour elle ici Au milieu même Du campement de ses soldats. (Il sort) BOUM Vite un homme en faction! Fusilier Fritz! FRITZ (à part) Toujours moi! (haut) Général? BOUM Vous allez vous Mettre en faction ici. FRITZ En plein soleil naturellement! BOUM Ne répliquez pas! FRITZ Pourquoi faire, D’abord, me mettre en faction? BOUM Pour garder la tente De La Grande-Duchesse. FRITZ Puisqu’elle n’est pas dressée! BOUM Vous garderez L’endroit où elle sera. FRITZ Alors, c’est pour empêcher qu’on Ne vienne emporter le terrain? Je vous demande Un peu si ça a le sens commun! BOUM Toujours, alors? FRITZ Bon! bon! Je sais d’où ça vient Les femmes, voilà! les femmes! BOUM Ah! Comme je te ferais fusiller, toi, Si, à la veille d’une bataille, Je n’avais pas peur De diminuer mon effectif! FRITZ Mais voilà! Vous avez peur De diminuer votre effectif. BOUM Je n’aurai pas le dernier, alors? FRITZ Non, par exemple! BOUM Alors, je serais bien bête De m’obstiner Soldats, à vos rangs! (Roulement de tambours les soldats vont prendre leurs fusils et se placent sur deux rangs, au fond) Portez armes! FRITZ (au général Boum) Eh bien, où allez vous comme ça? BOUM C’est trop fort, ça, par exemple! Ça ne vous regarde pas! Est ce qu’il va falloir que je vous rende Compte de mes mouvements? Soldats, par le flanc gauche! En avant marche! REPRISE DU CHŒUR Pif paf pouf, tara papapoum! Suivons le général Boum! Boum! (Les soldats sortent; Fritz reste en faction. Après le défilé, le général Boum s’approche de Fritz) BOUM Hou! Le vilain soldat! (Il sort en courant, pour rattraper son armée) Scène Quatrième FRITZ (seul, montant sa faction) Comme c’est encore malin, Ça, de venir faire la grimace A un pauvre jeune soldat Qui ne peut pas répondre à son général! C’est une chose Qu’on ne veut pas comprendre! Il y a comme ça des généraux Qui ont des grades, des honneurs Eh bien, ils croient que ça suffit Auprès des femmes pas du tout! Il arrive que les femmes préfèrent Le jeune soldat qui n’a pas de grades Mais qui est aimable Alors, le vieux général Asticote le jeune soldat Et c’est toujours comme ça Et tant que le monde durera, Ça sera comme ça Et voilà! tout ça C’est des histoires de femmes Et pas autre chose! (tournant la tête à gauche) Ah! La voici, la petite Wanda! Elle croit que je vais aller la retrouver Ah! Si je pouvais! Voyant que je n’y vais pas, elle vient (entre Wanda par la gauche; elle reste, un moment, au fond) Comme il enragerait, Le vieux général, s’il voyait cela! Scène Cinquième WANDA (loin de Fritz) Me voici, Fritz! j’ai tant couru Que j’en suis, ma foi, hors d’haleine! (se rapprochant un peu) Mais, pour te voir cet air bourru, Ce n’était vraiment pas la peine Dis moi pourquoi? (Fritz lui montre son fusil, puis, un doigt sur la bouche, il indique qu’on ne peut pas parler sous les armes) Que veut dire cette grimace? J’accours, et te voilà de glace! Es-tu muet, beau grenadier? Ne sais-tu m’aimer que par signe? FRITZ (immobile à son poste) Il le faut bien, car la consigne, Hélas! Me défend de parler. WANDA (se rapprochant toujours de Fritz) Finis cette plaisanterie Lorsque l’on voit sa bonne amie, Monsieur, l’on doit tout oublier Vite, un mot, ou bien j’égratigne! FRITZ Je ne peux pas, car la consigne, Hélas! Me défend de bouger. WANDA Il me dit non, car la consigne, Hélas! Lui défend de bouger. Et si, pour toi perdant la tête, Je te disais “viens, grosse bête, Viens vite là prendre un baiser”, Me ferais-tu l’injure insigne? FRITZ (allant vivement à elle) Ah! Ma foi, non! Car la consigne Ne me défend pas d’embrasser. WANDA Je savais bien que la consigne Ne défendait pas d’embrasser! FRITZ Non, ma Wanda, non, la consigne Ne me défend pas d’embrasser! WANDA Je savais bien que la consigne Ne défendait pas d’embrasser! (Fritz l’embrasse) ENSEMBLE Au diable la consigne! Et vive l’amour! Tant pis! En ce jour bravons la consigne, Obéissons à l’amour! (Le général Boum entre par à droite) Scène Sixième BOUM Ah! Ah! Je t’y prends! FRITZ (bas, à Wanda) Nous sommes pincés! (Il reprend vivement son fusil et se remet en faction) WANDA Mon Fritz! BOUM (à Fritz) Cette faction que Je t’ai ordonné de monter, Ce mouvement que J’ai fait faire à mon armée tout cela a été fait pour te surprendre et je te surprends. FRITZ Eh bien, tenez! Ça doit vous faire plaisir Car c’est la première fois que je vois réussir Un de vos mouvements! BOUM Malheureux! (Un coup de fusil au dehors) WANDA (tombant dans les bras de Fritz) Ah! FRITZ Ma Wanda! (Elle s’est évanouie dans ses bras) BOUM Qu’est ce que c’est que ça? Qu’est ce que c’est? FRITZ Une attaque peut être permettez moi de la reporter chez sa mère. (Second coup de fusil) BOUM Oui va et veille bien sur elle. FRITZ Ah! Vous voyez bien, général vous voyez bien que vous l’aimez! BOUM Va! va! FRITZ (à Wanda qu’il soutient toujours) Viens prendre un verre de schnaps. Scène Septième (Il entre avec elle dans la cantine. nouveaux coups de fusil au dehors. Entre par à droite, le Baron Puck il court effaré, courbé en deux) PUCK Ah! Mon cher Boum! BOUM Qu’est-il donc arrivé? PUCK On m’a demandé le mot d’ordre Absorbé comme je l’étais Par les hautes combinaisons De la politique, J’ai négligé de répondre, et, alors... BOUM Pan, pan, ratapan! PUCK Pan, pan, ratapan! ils ont tiré. BOUM C’était leur devoir. PUCK Heureusement, ils m’ont manqué. BOUM Ils seront punis pour cela. PUCK Qu’est ce que vous dites? BOUM Je dis qu’ils n’auraient pas Dû vous manquer. PUCK Alors, vous auriez voulu...? BOUM Comme général, certainement! Mais j’en aurais été désolé comme ami. PUCK A la bonne heure! BOUM Et qu’est-ce qui me procure l’avantage? PUCK C’est une chose très délicate Vous savez que notre habitude, À la veille d’une campagne, Est de ne rien négliger De ce qui peut animer le soldat Et faire de l’effet sur les troupes. BOUM Sans doute! PUCK Cette fois-ci, Nous avons imaginé quelque chose qui, Je crois, est assez ingénieux, La Grande-duchesse va venir. BOUM Je le sais. PUCK Elle restera au milieu des soldats. Quand elle sera là, Vous lui offrirez de chanter devant elle La chanson du régiment. BOUM Bon! PUCK Son altesse vous répondra “Mais cette chanson, je la sais” Et elle la chantera. BOUM Elle même? PUCK Elle-même et c’est avec vous, Rudolph, qu’elle la chantera! BOUM Avec moi! quel honneur! Mais la sait elle vraiment? PUCK Elle la sait parfaitement Nous avons étudié ça pendant Deux heures, ce matin. BOUM C’est une affaire entendue. PUCK Bien! Maintenant, parlons un peu De nos propres affaires (il lui offre une prise de tabac) En usez vous? BOUM Non, pas de cela (il prend à sa ceinture un pistolet à deux coups, le décharge en l’air, puis porte, l’un après l’autre, les canons fumants sous chacune de ses narines en respirant avec force l’odeur de la poudre) Voilà ma civette, à moi! PUCK Vous savez pourquoi Nous faisons la guerre. BOUM Moi? pas du tout! PUCK Je vais vous le dire La Grande-duchesse, Notre souveraine et mon élève Car j’ai été son précepteur... (il ôte respectueusement son chapeau, et, en le regardant, dit avec frayeur.) Ah! Mon ami! qu’est ce que c’est? (il s’évanouit presque en montrant un grand trou dans le chapeau) Regardez la balle! BOUM Allons! Ils n’ont pas trop mal visé. PUCK Ça me fait un effet...! Comme c’est heureux Que j’aie eu mon chapeau! Sans cela, j’étais mort. BOUM Remettez le vite. PUCK (remettant son chapeau) Ah! Oui! Ils n’auraient qu’à tirer encore La Grande-duchesse donc, Notre souveraine et mon élève, A vingt ans jusqu’à présent, Elle nous a laissé le pouvoir; Mais j’ai remarqué que, Depuis quelque temps, Elle était inquiète, préoccupée Je me suis dit “Voilà une femme qui s’ennuie Il faut que je lui trouve Une distraction” Alors, j’ai fait déclarer La guerre et voilà! BOUM Très ingénieux! PUCK N’est ce pas? Distraire mon élève!... C’est comme cela Que je l’ai toujours tenue Par des joujoux quand elle était petite... Mais n’anticipons pas sur le passé Plus tard, il a fallu autre chose Et c’est pour la distraire Que je lui ai cherché un mari. BOUM Le prince Paul? PUCK Oui mais ce malheureux prince, Que j’avais eu soin de choisir Du reste parfaitement nul, N’a produit aucun effet La Grande-duchesse ne peut pas Se décider à l’épouser Elle le traîne depuis six mois Il y a huit jours, le père du jeune homme, l’Electeur de Steis-Stein-Steis Laper-Bott-Moll- Schorstenburg, l’Electeur, dis-je, A envoyé ici un de ses plus Fins diplomates, le baron Grog, Avec mission de décider notre aimable maîtresse À prononcer le oui sacramentel. Notre aimable maîtresse a formellement Refusé de recevoir le Baron Grog Et continue à s’ennuyer Espérons que la guerre la distraira un peu. BOUM Comptez sur moi. PUCK Malheureusement, cette distraction Ne pourra durer que quelque temps. La princesse a vingt ans Elle ne tardera pas à s’apercevoir Qu’il y a d’autres plaisirs Son cœur n’a pas parlé encore Il parlera bientôt Et, ce jour-là, malheur à nous, Si nous n’avons pas Pris nos précautions! BOUM Vous me faites peur. PUCK Avez vous jamais pensé à ce Que nous pourrions devenir, Si la princesse s’avisait D’avoir un favori? BOUM Nous serions rasés! Il ne faut pas qu’elle en ait! PUCK Il ne le faut pas! BOUM Il ne le faut pas! (Roulement de tambours à une certaine distance. Entre par à droite, Népomuc. Boum remonte au devant de lui. Avec énergie, à Népomuc.) L’ennemi! c’est l’ennemi! NÉPOMUC Mais non, général, C’est son altesse qui arrive. BOUM C’est bien, monsieur Faites mettre les troupes sous les armes. NÉPOMUC Oui, général. (Il sort) PUCK Donc, c’est entendu Tout à l’heure la chanson militaire Dans huit jours, la victoire! BOUM Après ça, le retour dans nos foyers! PUCK Et à nous deux le pouvoir! ENSEMBLE À nous deux le pouvoir! (L’armée arrive par à droite. Les paysannes, Wanda parmi elles, entrent des deux côtés, et restent au fond, derrière les soldats. Fritz est dans les rangs. Puck a passé à droite) Scène Huitième CHŒUR Portons armes! Présentons armes! Fixes, droits, l’œil à quinze pas! Que son altesse a de charmes! Que son altesse a d’appas! Portons armes! Présentons armes! Fixes, droits, l’œil à quinze pas! (Entre par à droite, la Grande-duchesse, derrière elle viennent ses demoiselles d’honneur, puis, un brillant état major de jeunes officiers en uniformes éclatants. Les soldats présentent les armes. La Grande-duchesse passe devant le front des troupes, elle paraît frappée de la beauté de Fritz, qui est à l’avant scène entre deux tout petits soldats. Scène muette Fritz est très troublé par les regards de la Grande-duchesse) LA GRANDE-DUCHESSE Ah! Que j’aime les militaires, Leur uniforme coquet, Leur moustache et leur plumet! Ah! Que j’aime les militaires! Leur air vainqueur, leurs manières, En eux tout me plaît! Quand je vois là mes soldats Prêts à partir pour la guerre, Fixes, droits, l’œil à quinze pas, Vrai dieu! Je suis toute fière! Seront-ils vainqueurs ou défaits? Je n’en sais rien ce que je sais... CHŒUR Ce qu’elle sait LA GRANDE-DUCHESSE Ce qu’elle sait ce que je sais C’est que j’aime les militaires, Leur uniforme coquet, etc. Je sais ce que je voudrais Je voudrais être cantinière! Près d’eux toujours je serais Et je les griserais! Avec eux, vaillante et légère, Au combat je m’élancerais! Cela me plairait-il, la guerre? Je n’en sais rien ce que je sais... CHŒUR Ce qu’elle sait. LA GRANDE-DUCHESSE Ce qu’elle sait ce que je sais C’est que j’aime les militaires, Leur uniforme coquet, etc. TOUTE L’ARMEE Vive la Grande-duchesse! LA GRANDE-DUCHESSE (à Boum) Je suis contente, général très contente. (elle fait quelques pas et s’arrête en regardant Fritz) Général? BOUM Altesse? LA GRANDE-DUCHESSE Faites avancer ce soldat. BOUM (appelant le soldat qui est à la droite de Fritz) Schwartz! LA GRANDE-DUCHESSE Non, pas celui-là, pas Schwartz. BOUM (appelant celui qui est à la gauche de Fritz) Schumacher! LA GRANDE-DUCHESSE Non, pas Schumacher l’autre. (Boum désigne Fritz) Vous y êtes! BOUM (sourdement irrité) Fusilier Fritz, trois pas en avant! (Fritz fait trois pas en avant, présentant les armes) LA GRANDE-DUCHESSE (à Fritz) Ton nom? FRITZ Fritz. LA GRANDE-DUCHESSE Combien de campagnes? Combien de blessures? FRITZ Aucune campagne aucune blessure Pourtant, une fois, En grimpant sur un mur, Pour aller chiper des pommes, Je me suis un peu Mais je ne sais pas si ça peut compter Aucune blessure, décidément, Aucune blessure. LA GRANDE-DUCHESSE Simple soldat? FRITZ Simple soldat. LA GRANDE-DUCHESSE Je te fais caporal. FRITZ Ah! (Il fait quelques pas pour aller à Wanda, qui est au fond, au premier rang des paysannes) BOUM (l’arrêtant) Mille millions! FRITZ Eh bien, c’est bon! (Il se remet en position) LA GRANDE-DUCHESSE Où allais-tu donc? FRITZ J’allais dire à ma bonne amie Que je suis caporal. LA GRANDE-DUCHESSE Ah! eh bien. BOUM Eh bien? LA GRANDE-DUCHESSE (à Fritz) Tu diras à ta bonne amie Que tu es sergent. (à Boum) Faites rompre les rangs, général. BOUM Rompez les rangs! Et éloignez-vous. LA GRANDE-DUCHESSE Pourquoi s’éloigneraient-ils? Ne sont-ils pas mes soldats, mes enfants? PUCK (bas, à la Grande-duchesse) Très bien, altesse, très bien! LA GRANDE-DUCHESSE (aux soldats) Restez, mes amis, restez, Et bavardons un peu ensemble. (Les soldats se rapprochent un peu au milieu; les paysannes descendent en scène, moitié à gauche, moitié à droite. La Grande-duchesse s’assied sur un tambour qu’apporte une cantinière. Les demoiselles d’honneur se placent à ses cotés, sur des pliants que leur donnent des soldats) PUCK (bas, à Boum) Est-ce que vous avez Remarqué l’obstination Avec laquelle son altesse Regardait ce soldat? BOUM (bas) Oui mais on ne peut pas supposer. PUCK (bas) Il faut tout supposer J’ai été précepteur de la Grande-duchesse Et je l’ai habituée À faire tout ce qui lui plaît. BOUM (bas) Ah diable! observons, alors. PUCK (bas) Observons. LA GRANDE-DUCHESSE (se retournant vers Fritz) Approche un peu, toi. FRITZ (s’approchant) Altesse? PUCK (bas, à Boum) Encore! vous voyez. BOUM (bas) Oui, je vois (à part, en regardant Fritz) Toi, je te rattraperai! LA GRANDE-DUCHESSE (à Fritz) Eh bien, est-elle contente, ta bonne amie? FRITZ Très contente. LA GRANDE-DUCHESSE Et toi et tes camarades êtes-vous contents? FRITZ Mais, dame! vous savez, altesse On est content, et on ne l’est pas C’est dans la nature! LA GRANDE-DUCHESSE Bien nourri? FRITZ Oui bien nourri pas mal nourri Beaucoup de pommes de terre Pas mal nourri tout de même. LA GRANDE-DUCHESSE Et les officiers, Bons pour le soldat? FRITZ Très bons, les officiers Bons et pas bons Il y a le général qui est sévère. LA GRANDE-DUCHESSE En vérité? BOUM Mais, altesse. LA GRANDE-DUCHESSE Laissez-le parler! FRITZ Très sévère, le général Mais je sais d’où ça vient Des histoires de femmes Pas autre chose des histoires de femmes. LA GRANDE-DUCHESSE Comment? BOUM Ah! J’empêcherai. LA GRANDE-DUCHESSE Général boum, Je vous ordonne de laisser parler cet homme. (à Fritz) Tu disais? FRITZ Très sévère, le général Parce qu’il a fait la cour à ma bonne amie, Et qu’elle l’a envoyé promener. LA GRANDE-DUCHESSE Ah çà! Mais tout le monde est Donc amoureux de ta bonne amie? Elle est donc bien jolie! FRITZ (désignant Wanda) Tenez, c’est cette petite, là-bas. LA GRANDE-DUCHESSE Fais-la venir. FRITZ Eh! Wanda!... Elle n’ose pas Allons, viens donc c’est timide Ce n’est pas comme nous autres, jeunes soldats. (Wanda s’est avancée et est venue se placer devant la Grande-duchesse) LA GRANDE-DUCHESSE Il t’aime, ce grand garçon-là? WANDA (timidement) Je le crois, madame. LA GRANDE-DUCHESSE Et toi, tu l’aimes? WANDA Oh! Pour cela, j’en suis sûre! LA GRANDE-DUCHESSE En vérité? (à part.) Ah çà! Qu’est-ce que J’éprouve donc, moi? (à Fritz) T’ai-je dit que tu étais lieutenant? (Elle se lève ainsi que les demoiselles d’honneur. Wanda regagne sa place) FRITZ Non, altesse. LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, je te le dis. (Etonnement général) FRITZ Eh bien, je vous remercie. PUCK (bas, à Boum) Comme elle va! Comme elle va! BOUM (bas) Soyez tranquille! Voilà un lieutenant Que demain je placerai à l’avant-garde. LA GRANDE-DUCHESSE Il fait chaud ici. (à ses demoiselles d’honneur.) Vous n’avez pas soif, mesdames? IZA Mais si fait, altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Moi aussi. PUCK On va chercher des sorbets. LA GRANDE-DUCHESSE Que parlez-vous de sorbets? Je veux boire ce que boivent mes soldats. BOUM Mais ils boivent. LA GRANDE-DUCHESSE Ce que la vivandière leur verse, sans doute! (à la vivandière) Eh bien, approchez, vivandière, Et donnez-moi un verre (la vivandière approche et verse un petit verre à la Grande-duchesse) Jusqu’au bord Je bois à vos victoires, soldats, Je bois à votre retour. (Elle vide son verre. L’autre vivandière verse aux demoiselles d’honneur) TOUS Vive la Grande-duchesse! PUCK (bas, à Boum) La voyez-vous, mon élève! comme elle va! BOUM (bas, à Puck) Voici le moment, je crois, Pour la chanson. PUCK (bas) C’est mon avis. BOUM (allant à la Grande-duchesse) Vous plairait-il, altesse, Puisque vous avez fait à vos soldats L’honneur de venir passer Quelques instants auprès d’eux, Vous plairait-il d’entendre La chanson de leur régiment? LA GRANDE-DUCHESSE (à part) Ah! Très bien (elle regarde Puck. Haut) Mais cette chanson, Général, je la connais. BOUM (feignant la surprise) Est-il possible, altesse? LA GRANDE-DUCHESSE Et, si vous le voulez bien, Je la chanterai moi même. BOUM Oh! Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Commençons! BOUM Hum! Hum! LA GRANDE-DUCHESSE Est-ce que vous allez chanter avec moi? BOUM Si votre altesse daigne permettre... LA GRANDE-DUCHESSE Un général en chef! oh! Non! Ne compromettons pas votre dignité. (à Fritz) Viens, toi, tu chanteras avec moi. BOUM Oh! Vous n’y pensez pas! LA GRANDE-DUCHESSE Qu’est-ce que c’est? BOUM Un simple lieutenant chanter avec. LA GRANDE-DUCHESSE Un lieutenant, est-ce trop peu? Je le fais capitaine cela suffit-il? BOUM (s’inclinant d’un air contraint) Altesse. LA GRANDE-DUCHESSE (à Fritz) Venez, monsieur le capitaine, Et chantez avec moi! Chanson du Régiment LA GRANDE-DUCHESSE Ah! C’est un fameux régiment, Le régiment de la Grande-duchesse! FRITZ Quand l’ennemi fait l’impertinent, À tomber dessus faut Voir comme il s’empresse! LA GRANDE-DUCHESSE On dit qu’les housards ont du bon, Et qu’c’est un aimable escadron. FRITZ Avec sa crinière dans l’dos, L’dragon a l’air très comme il faut. LA GRANDE-DUCHESSE On sait qu’dans L’corps des artilleurs On n’prend qu’des hommes Qu’ont d’la valeur. FRITZ Mais rien ne vaut, malgré cela, Le beau régiment que voilà! ENSEMBLE Ah! Ce sont de fiers soldats! Au sein des combats, Tout comme au sein des amours, Les premiers toujours! Trompettes, sonnez donc, Et battez, les tambours, En l’honneur de la guerre, En l’honneur des amours! CHŒUR Trompettes, sonnez donc, etc. LA GRANDE-DUCHESSE Ah! C est un fameux régiment, Le régiment de la Grande-duchesse! FRITZ Il a l’honneur pour sentiment; Et la victoire, il la z’a pour maîtresse! LA GRANDE-DUCHESSE Avec son superbe étendard, Quand il arrive quelque part. FRITZ Les femmes, elles sont enchantées, Mais c’est les hommes qui font un nez! A GRANDE-DUCHESSE Quand il s’en va, le régiment, Les choses, elles se passant autrement. FRITZ C’est les hommes Qui sont enchantés, Mais c’est les femmes Qui font un nez! ENSEMBLE Ah! Ce sont de fiers soldats! Au sein des combats, Tout comme au sein des amours, Les premiers toujours! Trompettes, sonnez donc, Et battez, les tambours, En l’honneur de la guerre, En l’honneur des amours! CHŒUR Trompettes, sonnez donc, etc. NÉPOMUC (revenant par le fond, à droite) Madame! madame! LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, qu’est-ce qu’il y a? BOUM Cette fois, monsieur, J’espère que vous m’annoncez l’ennemi! NÉPOMUC Mais vous me dites toujours La même chose! (à la Grande-duchesse) Madame, c’est le prince Paul Il est arrêté aux avant-postes Avec le baron Grog Et il fait demander le mot d’ordre Afin de pouvoir passer. LA GRANDE-DUCHESSE Le prince Paul! encore! NÉPOMUC Que faut-il répondre? LA GRANDE-DUCHESSE Enfin allez chercher le prince Paul Et amenez-le moi Quant au baron Grog, Qu’on ne m’en parle plus! J’ai refusé de le recevoir Et ne le recevrai pas! (Népomuc sort par à droite. À Fritz) Allez mettre votre uniforme, Monsieur le capitaine Et, dès que vous l’aurez mis, Revenez Je tiens à voir comment il vous va. FRITZ Ça m’ira très bien. (Il sort) LA GRANDE-DUCHESSE (aux soldats) Allez, mes amis allez Tout à l’heure, Je vous reverrai une dernière fois, Avant votre départ pour la bataille! (Sortent par à droite. Boum fait entrer les demoiselles d’honneur dans sa tente. Les paysannes s’éloignent et Wanda sort par la gauche) ACTE I (Campement de soldats. Tentes au milieu de la campagne. A droite, au deuxième plan, l entrée de la tente du général Boum. A gauche, au premier plan, la cantine. Au fond, un praticable, représentant une colline, au milieu de la scène, monte d abord de droite à gauche, puis de gauche à droite fusils, au fond, rangés sur des râteliers. soldats, paysannes, vivandières, puis) Scène Première CHŒUR En attendant que l’heure sonne, L’heure héroïque du combat, Chantons et buvons! Courte et bonne, C’est la devise du soldat! Chantons, buvons, jouons, dansons! En attendant que l’heure sonne, L’heure héroïque du combat! etc. (Pendant ce chœur, quelques soldats valsent avec des paysannes; d’autres jouent aux cartes et aux dés sur des tambours; d’autres boivent, etc. Les vivandières vont de l’un à l’autre. Entrent Fritz et Wanda) WANDA O mon Fritz, que tu m’affliges En m’apprenant ton départ! FRITZ Va, je ferai des prodiges, Pour revenir sans retard. Allez, jeunes filles, Dansez et tournez; Vous dans vos familles Vous resterez; Mais nous, pauvres hommes, Bientôt nous irons, Pour de faibles sommes, Braver les canons. Si le sort funeste Ne peut s’éviter, Du temps qui nous reste Sachons profiter. Vidons notre verre En brave guerrier, Et tant pis, ma chère, Si c’est le dernier. O filles jolies, O braves garçons, Tournons et valsons, Valsons et tournons; Comme des toupies, Comme des tontons, Tournons et valsons, Valsons et tournons. TOUS O filles jolies, etc. FRITZ Quand, prenant les armes, Nous en irons, Que de cris, De larmes et de pâmoisons! N’ayez peur, mes belles, Nous vous écrirons, Et de nos nouvelles Nous vous donnerons. Votre cœur, je pense, Restera constant, Malgré notre absence. Mais, en attendant, Vidons notre verre, Prenons un baiser, Et tant pis, ma chère, Si c’est le dernier. O filles jolies, O braves garçons, Tournons et valsons, Valsons et tournons, Comme des toupies, Comme des tontons; Tournons et valsons, Valsons et tournons. TOUS O filles jolies, etc., etc. (Au moment où la valse est très animée, paraît le général Boum, arrivant de la droite. Il s’arrête indigné, et lève les bras au ciel il a un énorme panache sur son chapeau) Scène Seconde BOUM Des femmes dans le camp, effroyable licence! (Toutes les femmes s’enfuient avec un grand cri) FRITZ (à part) Bon! Voilà le gêneur! BOUM Avez vous donc, soldats, Perdu toute prudence? FRITZ Pour être militaire, En a-t-on moins un cœur? BOUM (venant à Fritz) Vous encor, vous parlez! FRITZ Mais, général... BOUM Silence! Quand je me fâche, L’on se tait! Car ma rigueur, on la connaît. CHŒUR Quand il se fâche, L’on se tait! Car sa rigueur, on la connaît. BOUM À cheval sur la discipline, Par les vallons je vais devant moi, J’extermine les bataillons! Le plus fier ennemi Se cache, tremblant, penaud, Quand il aperçoit Le panache que j’ai là-haut! Pif paf pouf, tara papapoum! Je suis le général Boum! Boum! TOUS Pif paf pouf, tara papapoum! Il est le général Boum! Boum! BOUM Dans nos salons, Après la guerre, je reparais; Et la plus belle, pour me plaire, Se met en frais; Elle caresse ma moustache, En souriant En ce moment là, Mon panache est fort gênant. Paf pouf, tara papapoum! Je suis le général Boum! Boum! TOUS Pif, paf pouf, tara papapoum! Il est, le général Boum! Boum! Vive le général Boum! BOUM A la bonne heure! Je retrouve mes enfants, Les vaillants soldats De la Grande-duchesse, Notre souveraine. TOUS Vive la Grande-duchesse! BOUM Vous n’êtes pas méchants, Mais il y a ce Fritz qui vous gâte. FRITZ (à part) Bon! J’étais sûr que ça allait Tomber sur moi! BOUM Fusilier Fritz, venez ici. FRITZ (s’approchant) Général? BOUM Mauvais soldat! FRITZ Je sais bien d’où ça vient, tout ça... BOUM Qu’est ce que vous dites? FRITZ Je dis que je sais bien D’où ça vient, tout ça C’est des histoires de femmes. BOUM Comment? FRITZ C’est parce que vous avez fait La cour à la petite Wanda. BOUM Pas du tout! FRITZ Je vous demande bien pardon Vous lui avez fait la cour Et elle n’a pas voulu de vous, Parce qu’elle est Amoureuse de moi et voilà! BOUM (à part) O fureur! FRITZ Elles ont mauvais goût, Les femmes elles aiment mieux Le jeune soldat que le vieux chef. BOUM Je vous mettrai À la salle de police, moi! FRITZ Ça n’y fera rien. BOUM Je vous ferai fusiller! FRITZ Comme ça sera malin! BOUM Mauvais soldat! FRITZ Ça vous serait bien égal Que je soie un mauvais soldat Mais je suis un joli soldat C’est ça qui est vexant. BOUM Taisez vous! FRITZ Je me tais mais ça n’empêche pas! BOUM Jamais je ne me suis Occupé de cette petite. FRITZ Je vous demande Bien pardon derechef, Vous vous en êtes occupé. Scène Troisième (Entre Népomuc) NÉPOMUC (à Boum) Général! BOUM Dites-moi que vous m’annoncez L’approche de l’ennemi, monsieur; Dites-le-moi, je vous en prie! NÉPOMUC Non, général Je viens vous prévenir Que la Grande-duchesse Va venir passer Son régiment en revue. BOUM Vous entendez, soldats! NÉPOMUC Elle désire qu’une tente Soit dressée pour elle ici Au milieu même Du campement de ses soldats. (Il sort) BOUM Vite un homme en faction! Fusilier Fritz! FRITZ (à part) Toujours moi! (haut) Général? BOUM Vous allez vous Mettre en faction ici. FRITZ En plein soleil naturellement! BOUM Ne répliquez pas! FRITZ Pourquoi faire, D’abord, me mettre en faction? BOUM Pour garder la tente De La Grande-Duchesse. FRITZ Puisqu’elle n’est pas dressée! BOUM Vous garderez L’endroit où elle sera. FRITZ Alors, c’est pour empêcher qu’on Ne vienne emporter le terrain? Je vous demande Un peu si ça a le sens commun! BOUM Toujours, alors? FRITZ Bon! bon! Je sais d’où ça vient Les femmes, voilà! les femmes! BOUM Ah! Comme je te ferais fusiller, toi, Si, à la veille d’une bataille, Je n’avais pas peur De diminuer mon effectif! FRITZ Mais voilà! Vous avez peur De diminuer votre effectif. BOUM Je n’aurai pas le dernier, alors? FRITZ Non, par exemple! BOUM Alors, je serais bien bête De m’obstiner Soldats, à vos rangs! (Roulement de tambours les soldats vont prendre leurs fusils et se placent sur deux rangs, au fond) Portez armes! FRITZ (au général Boum) Eh bien, où allez vous comme ça? BOUM C’est trop fort, ça, par exemple! Ça ne vous regarde pas! Est ce qu’il va falloir que je vous rende Compte de mes mouvements? Soldats, par le flanc gauche! En avant marche! REPRISE DU CHŒUR Pif paf pouf, tara papapoum! Suivons le général Boum! Boum! (Les soldats sortent; Fritz reste en faction. Après le défilé, le général Boum s’approche de Fritz) BOUM Hou! Le vilain soldat! (Il sort en courant, pour rattraper son armée) Scène Quatrième FRITZ (seul, montant sa faction) Comme c’est encore malin, Ça, de venir faire la grimace A un pauvre jeune soldat Qui ne peut pas répondre à son général! C’est une chose Qu’on ne veut pas comprendre! Il y a comme ça des généraux Qui ont des grades, des honneurs Eh bien, ils croient que ça suffit Auprès des femmes pas du tout! Il arrive que les femmes préfèrent Le jeune soldat qui n’a pas de grades Mais qui est aimable Alors, le vieux général Asticote le jeune soldat Et c’est toujours comme ça Et tant que le monde durera, Ça sera comme ça Et voilà! tout ça C’est des histoires de femmes Et pas autre chose! (tournant la tête à gauche) Ah! La voici, la petite Wanda! Elle croit que je vais aller la retrouver Ah! Si je pouvais! Voyant que je n’y vais pas, elle vient (entre Wanda par la gauche; elle reste, un moment, au fond) Comme il enragerait, Le vieux général, s’il voyait cela! Scène Cinquième WANDA (loin de Fritz) Me voici, Fritz! j’ai tant couru Que j’en suis, ma foi, hors d’haleine! (se rapprochant un peu) Mais, pour te voir cet air bourru, Ce n’était vraiment pas la peine Dis moi pourquoi? (Fritz lui montre son fusil, puis, un doigt sur la bouche, il indique qu’on ne peut pas parler sous les armes) Que veut dire cette grimace? J’accours, et te voilà de glace! Es-tu muet, beau grenadier? Ne sais-tu m’aimer que par signe? FRITZ (immobile à son poste) Il le faut bien, car la consigne, Hélas! Me défend de parler. WANDA (se rapprochant toujours de Fritz) Finis cette plaisanterie Lorsque l’on voit sa bonne amie, Monsieur, l’on doit tout oublier Vite, un mot, ou bien j’égratigne! FRITZ Je ne peux pas, car la consigne, Hélas! Me défend de bouger. WANDA Il me dit non, car la consigne, Hélas! Lui défend de bouger. Et si, pour toi perdant la tête, Je te disais “viens, grosse bête, Viens vite là prendre un baiser”, Me ferais-tu l’injure insigne? FRITZ (allant vivement à elle) Ah! Ma foi, non! Car la consigne Ne me défend pas d’embrasser. WANDA Je savais bien que la consigne Ne défendait pas d’embrasser! FRITZ Non, ma Wanda, non, la consigne Ne me défend pas d’embrasser! WANDA Je savais bien que la consigne Ne défendait pas d’embrasser! (Fritz l’embrasse) ENSEMBLE Au diable la consigne! Et vive l’amour! Tant pis! En ce jour bravons la consigne, Obéissons à l’amour! (Le général Boum entre par à droite) Scène Sixième BOUM Ah! Ah! Je t’y prends! FRITZ (bas, à Wanda) Nous sommes pincés! (Il reprend vivement son fusil et se remet en faction) WANDA Mon Fritz! BOUM (à Fritz) Cette faction que Je t’ai ordonné de monter, Ce mouvement que J’ai fait faire à mon armée tout cela a été fait pour te surprendre et je te surprends. FRITZ Eh bien, tenez! Ça doit vous faire plaisir Car c’est la première fois que je vois réussir Un de vos mouvements! BOUM Malheureux! (Un coup de fusil au dehors) WANDA (tombant dans les bras de Fritz) Ah! FRITZ Ma Wanda! (Elle s’est évanouie dans ses bras) BOUM Qu’est ce que c’est que ça? Qu’est ce que c’est? FRITZ Une attaque peut être permettez moi de la reporter chez sa mère. (Second coup de fusil) BOUM Oui va et veille bien sur elle. FRITZ Ah! Vous voyez bien, général vous voyez bien que vous l’aimez! BOUM Va! va! FRITZ (à Wanda qu’il soutient toujours) Viens prendre un verre de schnaps. Scène Septième (Il entre avec elle dans la cantine. nouveaux coups de fusil au dehors. Entre par à droite, le Baron Puck il court effaré, courbé en deux) PUCK Ah! Mon cher Boum! BOUM Qu’est-il donc arrivé? PUCK On m’a demandé le mot d’ordre Absorbé comme je l’étais Par les hautes combinaisons De la politique, J’ai négligé de répondre, et, alors... BOUM Pan, pan, ratapan! PUCK Pan, pan, ratapan! ils ont tiré. BOUM C’était leur devoir. PUCK Heureusement, ils m’ont manqué. BOUM Ils seront punis pour cela. PUCK Qu’est ce que vous dites? BOUM Je dis qu’ils n’auraient pas Dû vous manquer. PUCK Alors, vous auriez voulu...? BOUM Comme général, certainement! Mais j’en aurais été désolé comme ami. PUCK A la bonne heure! BOUM Et qu’est-ce qui me procure l’avantage? PUCK C’est une chose très délicate Vous savez que notre habitude, À la veille d’une campagne, Est de ne rien négliger De ce qui peut animer le soldat Et faire de l’effet sur les troupes. BOUM Sans doute! PUCK Cette fois-ci, Nous avons imaginé quelque chose qui, Je crois, est assez ingénieux, La Grande-duchesse va venir. BOUM Je le sais. PUCK Elle restera au milieu des soldats. Quand elle sera là, Vous lui offrirez de chanter devant elle La chanson du régiment. BOUM Bon! PUCK Son altesse vous répondra “Mais cette chanson, je la sais” Et elle la chantera. BOUM Elle même? PUCK Elle-même et c’est avec vous, Rudolph, qu’elle la chantera! BOUM Avec moi! quel honneur! Mais la sait elle vraiment? PUCK Elle la sait parfaitement Nous avons étudié ça pendant Deux heures, ce matin. BOUM C’est une affaire entendue. PUCK Bien! Maintenant, parlons un peu De nos propres affaires (il lui offre une prise de tabac) En usez vous? BOUM Non, pas de cela (il prend à sa ceinture un pistolet à deux coups, le décharge en l’air, puis porte, l’un après l’autre, les canons fumants sous chacune de ses narines en respirant avec force l’odeur de la poudre) Voilà ma civette, à moi! PUCK Vous savez pourquoi Nous faisons la guerre. BOUM Moi? pas du tout! PUCK Je vais vous le dire La Grande-duchesse, Notre souveraine et mon élève Car j’ai été son précepteur... (il ôte respectueusement son chapeau, et, en le regardant, dit avec frayeur.) Ah! Mon ami! qu’est ce que c’est? (il s’évanouit presque en montrant un grand trou dans le chapeau) Regardez la balle! BOUM Allons! Ils n’ont pas trop mal visé. PUCK Ça me fait un effet...! Comme c’est heureux Que j’aie eu mon chapeau! Sans cela, j’étais mort. BOUM Remettez le vite. PUCK (remettant son chapeau) Ah! Oui! Ils n’auraient qu’à tirer encore La Grande-duchesse donc, Notre souveraine et mon élève, A vingt ans jusqu’à présent, Elle nous a laissé le pouvoir; Mais j’ai remarqué que, Depuis quelque temps, Elle était inquiète, préoccupée Je me suis dit “Voilà une femme qui s’ennuie Il faut que je lui trouve Une distraction” Alors, j’ai fait déclarer La guerre et voilà! BOUM Très ingénieux! PUCK N’est ce pas? Distraire mon élève!... C’est comme cela Que je l’ai toujours tenue Par des joujoux quand elle était petite... Mais n’anticipons pas sur le passé Plus tard, il a fallu autre chose Et c’est pour la distraire Que je lui ai cherché un mari. BOUM Le prince Paul? PUCK Oui mais ce malheureux prince, Que j’avais eu soin de choisir Du reste parfaitement nul, N’a produit aucun effet La Grande-duchesse ne peut pas Se décider à l’épouser Elle le traîne depuis six mois Il y a huit jours, le père du jeune homme, l’Electeur de Steis-Stein-Steis Laper-Bott-Moll- Schorstenburg, l’Electeur, dis-je, A envoyé ici un de ses plus Fins diplomates, le baron Grog, Avec mission de décider notre aimable maîtresse À prononcer le oui sacramentel. Notre aimable maîtresse a formellement Refusé de recevoir le Baron Grog Et continue à s’ennuyer Espérons que la guerre la distraira un peu. BOUM Comptez sur moi. PUCK Malheureusement, cette distraction Ne pourra durer que quelque temps. La princesse a vingt ans Elle ne tardera pas à s’apercevoir Qu’il y a d’autres plaisirs Son cœur n’a pas parlé encore Il parlera bientôt Et, ce jour-là, malheur à nous, Si nous n’avons pas Pris nos précautions! BOUM Vous me faites peur. PUCK Avez vous jamais pensé à ce Que nous pourrions devenir, Si la princesse s’avisait D’avoir un favori? BOUM Nous serions rasés! Il ne faut pas qu’elle en ait! PUCK Il ne le faut pas! BOUM Il ne le faut pas! (Roulement de tambours à une certaine distance. Entre par à droite, Népomuc. Boum remonte au devant de lui. Avec énergie, à Népomuc.) L’ennemi! c’est l’ennemi! NÉPOMUC Mais non, général, C’est son altesse qui arrive. BOUM C’est bien, monsieur Faites mettre les troupes sous les armes. NÉPOMUC Oui, général. (Il sort) PUCK Donc, c’est entendu Tout à l’heure la chanson militaire Dans huit jours, la victoire! BOUM Après ça, le retour dans nos foyers! PUCK Et à nous deux le pouvoir! ENSEMBLE À nous deux le pouvoir! (L’armée arrive par à droite. Les paysannes, Wanda parmi elles, entrent des deux côtés, et restent au fond, derrière les soldats. Fritz est dans les rangs. Puck a passé à droite) Scène Huitième CHŒUR Portons armes! Présentons armes! Fixes, droits, l’œil à quinze pas! Que son altesse a de charmes! Que son altesse a d’appas! Portons armes! Présentons armes! Fixes, droits, l’œil à quinze pas! (Entre par à droite, la Grande-duchesse, derrière elle viennent ses demoiselles d’honneur, puis, un brillant état major de jeunes officiers en uniformes éclatants. Les soldats présentent les armes. La Grande-duchesse passe devant le front des troupes, elle paraît frappée de la beauté de Fritz, qui est à l’avant scène entre deux tout petits soldats. Scène muette Fritz est très troublé par les regards de la Grande-duchesse) LA GRANDE-DUCHESSE Ah! Que j’aime les militaires, Leur uniforme coquet, Leur moustache et leur plumet! Ah! Que j’aime les militaires! Leur air vainqueur, leurs manières, En eux tout me plaît! Quand je vois là mes soldats Prêts à partir pour la guerre, Fixes, droits, l’œil à quinze pas, Vrai dieu! Je suis toute fière! Seront-ils vainqueurs ou défaits? Je n’en sais rien ce que je sais... CHŒUR Ce qu’elle sait LA GRANDE-DUCHESSE Ce qu’elle sait ce que je sais C’est que j’aime les militaires, Leur uniforme coquet, etc. Je sais ce que je voudrais Je voudrais être cantinière! Près d’eux toujours je serais Et je les griserais! Avec eux, vaillante et légère, Au combat je m’élancerais! Cela me plairait-il, la guerre? Je n’en sais rien ce que je sais... CHŒUR Ce qu’elle sait. LA GRANDE-DUCHESSE Ce qu’elle sait ce que je sais C’est que j’aime les militaires, Leur uniforme coquet, etc. TOUTE L’ARMEE Vive la Grande-duchesse! LA GRANDE-DUCHESSE (à Boum) Je suis contente, général très contente. (elle fait quelques pas et s’arrête en regardant Fritz) Général? BOUM Altesse? LA GRANDE-DUCHESSE Faites avancer ce soldat. BOUM (appelant le soldat qui est à la droite de Fritz) Schwartz! LA GRANDE-DUCHESSE Non, pas celui-là, pas Schwartz. BOUM (appelant celui qui est à la gauche de Fritz) Schumacher! LA GRANDE-DUCHESSE Non, pas Schumacher l’autre. (Boum désigne Fritz) Vous y êtes! BOUM (sourdement irrité) Fusilier Fritz, trois pas en avant! (Fritz fait trois pas en avant, présentant les armes) LA GRANDE-DUCHESSE (à Fritz) Ton nom? FRITZ Fritz. LA GRANDE-DUCHESSE Combien de campagnes? Combien de blessures? FRITZ Aucune campagne aucune blessure Pourtant, une fois, En grimpant sur un mur, Pour aller chiper des pommes, Je me suis un peu Mais je ne sais pas si ça peut compter Aucune blessure, décidément, Aucune blessure. LA GRANDE-DUCHESSE Simple soldat? FRITZ Simple soldat. LA GRANDE-DUCHESSE Je te fais caporal. FRITZ Ah! (Il fait quelques pas pour aller à Wanda, qui est au fond, au premier rang des paysannes) BOUM (l’arrêtant) Mille millions! FRITZ Eh bien, c’est bon! (Il se remet en position) LA GRANDE-DUCHESSE Où allais-tu donc? FRITZ J’allais dire à ma bonne amie Que je suis caporal. LA GRANDE-DUCHESSE Ah! eh bien. BOUM Eh bien? LA GRANDE-DUCHESSE (à Fritz) Tu diras à ta bonne amie Que tu es sergent. (à Boum) Faites rompre les rangs, général. BOUM Rompez les rangs! Et éloignez-vous. LA GRANDE-DUCHESSE Pourquoi s’éloigneraient-ils? Ne sont-ils pas mes soldats, mes enfants? PUCK (bas, à la Grande-duchesse) Très bien, altesse, très bien! LA GRANDE-DUCHESSE (aux soldats) Restez, mes amis, restez, Et bavardons un peu ensemble. (Les soldats se rapprochent un peu au milieu; les paysannes descendent en scène, moitié à gauche, moitié à droite. La Grande-duchesse s’assied sur un tambour qu’apporte une cantinière. Les demoiselles d’honneur se placent à ses cotés, sur des pliants que leur donnent des soldats) PUCK (bas, à Boum) Est-ce que vous avez Remarqué l’obstination Avec laquelle son altesse Regardait ce soldat? BOUM (bas) Oui mais on ne peut pas supposer. PUCK (bas) Il faut tout supposer J’ai été précepteur de la Grande-duchesse Et je l’ai habituée À faire tout ce qui lui plaît. BOUM (bas) Ah diable! observons, alors. PUCK (bas) Observons. LA GRANDE-DUCHESSE (se retournant vers Fritz) Approche un peu, toi. FRITZ (s’approchant) Altesse? PUCK (bas, à Boum) Encore! vous voyez. BOUM (bas) Oui, je vois (à part, en regardant Fritz) Toi, je te rattraperai! LA GRANDE-DUCHESSE (à Fritz) Eh bien, est-elle contente, ta bonne amie? FRITZ Très contente. LA GRANDE-DUCHESSE Et toi et tes camarades êtes-vous contents? FRITZ Mais, dame! vous savez, altesse On est content, et on ne l’est pas C’est dans la nature! LA GRANDE-DUCHESSE Bien nourri? FRITZ Oui bien nourri pas mal nourri Beaucoup de pommes de terre Pas mal nourri tout de même. LA GRANDE-DUCHESSE Et les officiers, Bons pour le soldat? FRITZ Très bons, les officiers Bons et pas bons Il y a le général qui est sévère. LA GRANDE-DUCHESSE En vérité? BOUM Mais, altesse. LA GRANDE-DUCHESSE Laissez-le parler! FRITZ Très sévère, le général Mais je sais d’où ça vient Des histoires de femmes Pas autre chose des histoires de femmes. LA GRANDE-DUCHESSE Comment? BOUM Ah! J’empêcherai. LA GRANDE-DUCHESSE Général boum, Je vous ordonne de laisser parler cet homme. (à Fritz) Tu disais? FRITZ Très sévère, le général Parce qu’il a fait la cour à ma bonne amie, Et qu’elle l’a envoyé promener. LA GRANDE-DUCHESSE Ah çà! Mais tout le monde est Donc amoureux de ta bonne amie? Elle est donc bien jolie! FRITZ (désignant Wanda) Tenez, c’est cette petite, là-bas. LA GRANDE-DUCHESSE Fais-la venir. FRITZ Eh! Wanda!... Elle n’ose pas Allons, viens donc c’est timide Ce n’est pas comme nous autres, jeunes soldats. (Wanda s’est avancée et est venue se placer devant la Grande-duchesse) LA GRANDE-DUCHESSE Il t’aime, ce grand garçon-là? WANDA (timidement) Je le crois, madame. LA GRANDE-DUCHESSE Et toi, tu l’aimes? WANDA Oh! Pour cela, j’en suis sûre! LA GRANDE-DUCHESSE En vérité? (à part.) Ah çà! Qu’est-ce que J’éprouve donc, moi? (à Fritz) T’ai-je dit que tu étais lieutenant? (Elle se lève ainsi que les demoiselles d’honneur. Wanda regagne sa place) FRITZ Non, altesse. LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, je te le dis. (Etonnement général) FRITZ Eh bien, je vous remercie. PUCK (bas, à Boum) Comme elle va! Comme elle va! BOUM (bas) Soyez tranquille! Voilà un lieutenant Que demain je placerai à l’avant-garde. LA GRANDE-DUCHESSE Il fait chaud ici. (à ses demoiselles d’honneur.) Vous n’avez pas soif, mesdames? IZA Mais si fait, altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Moi aussi. PUCK On va chercher des sorbets. LA GRANDE-DUCHESSE Que parlez-vous de sorbets? Je veux boire ce que boivent mes soldats. BOUM Mais ils boivent. LA GRANDE-DUCHESSE Ce que la vivandière leur verse, sans doute! (à la vivandière) Eh bien, approchez, vivandière, Et donnez-moi un verre (la vivandière approche et verse un petit verre à la Grande-duchesse) Jusqu’au bord Je bois à vos victoires, soldats, Je bois à votre retour. (Elle vide son verre. L’autre vivandière verse aux demoiselles d’honneur) TOUS Vive la Grande-duchesse! PUCK (bas, à Boum) La voyez-vous, mon élève! comme elle va! BOUM (bas, à Puck) Voici le moment, je crois, Pour la chanson. PUCK (bas) C’est mon avis. BOUM (allant à la Grande-duchesse) Vous plairait-il, altesse, Puisque vous avez fait à vos soldats L’honneur de venir passer Quelques instants auprès d’eux, Vous plairait-il d’entendre La chanson de leur régiment? LA GRANDE-DUCHESSE (à part) Ah! Très bien (elle regarde Puck. Haut) Mais cette chanson, Général, je la connais. BOUM (feignant la surprise) Est-il possible, altesse? LA GRANDE-DUCHESSE Et, si vous le voulez bien, Je la chanterai moi même. BOUM Oh! Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Commençons! BOUM Hum! Hum! LA GRANDE-DUCHESSE Est-ce que vous allez chanter avec moi? BOUM Si votre altesse daigne permettre... LA GRANDE-DUCHESSE Un général en chef! oh! Non! Ne compromettons pas votre dignité. (à Fritz) Viens, toi, tu chanteras avec moi. BOUM Oh! Vous n’y pensez pas! LA GRANDE-DUCHESSE Qu’est-ce que c’est? BOUM Un simple lieutenant chanter avec. LA GRANDE-DUCHESSE Un lieutenant, est-ce trop peu? Je le fais capitaine cela suffit-il? BOUM (s’inclinant d’un air contraint) Altesse. LA GRANDE-DUCHESSE (à Fritz) Venez, monsieur le capitaine, Et chantez avec moi! Chanson du Régiment LA GRANDE-DUCHESSE Ah! C’est un fameux régiment, Le régiment de la Grande-duchesse! FRITZ Quand l’ennemi fait l’impertinent, À tomber dessus faut Voir comme il s’empresse! LA GRANDE-DUCHESSE On dit qu’les housards ont du bon, Et qu’c’est un aimable escadron. FRITZ Avec sa crinière dans l’dos, L’dragon a l’air très comme il faut. LA GRANDE-DUCHESSE On sait qu’dans L’corps des artilleurs On n’prend qu’des hommes Qu’ont d’la valeur. FRITZ Mais rien ne vaut, malgré cela, Le beau régiment que voilà! ENSEMBLE Ah! Ce sont de fiers soldats! Au sein des combats, Tout comme au sein des amours, Les premiers toujours! Trompettes, sonnez donc, Et battez, les tambours, En l’honneur de la guerre, En l’honneur des amours! CHŒUR Trompettes, sonnez donc, etc. LA GRANDE-DUCHESSE Ah! C est un fameux régiment, Le régiment de la Grande-duchesse! FRITZ Il a l’honneur pour sentiment; Et la victoire, il la z’a pour maîtresse! LA GRANDE-DUCHESSE Avec son superbe étendard, Quand il arrive quelque part. FRITZ Les femmes, elles sont enchantées, Mais c’est les hommes qui font un nez! A GRANDE-DUCHESSE Quand il s’en va, le régiment, Les choses, elles se passant autrement. FRITZ C’est les hommes Qui sont enchantés, Mais c’est les femmes Qui font un nez! ENSEMBLE Ah! Ce sont de fiers soldats! Au sein des combats, Tout comme au sein des amours, Les premiers toujours! Trompettes, sonnez donc, Et battez, les tambours, En l’honneur de la guerre, En l’honneur des amours! CHŒUR Trompettes, sonnez donc, etc. NÉPOMUC (revenant par le fond, à droite) Madame! madame! LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, qu’est-ce qu’il y a? BOUM Cette fois, monsieur, J’espère que vous m’annoncez l’ennemi! NÉPOMUC Mais vous me dites toujours La même chose! (à la Grande-duchesse) Madame, c’est le prince Paul Il est arrêté aux avant-postes Avec le baron Grog Et il fait demander le mot d’ordre Afin de pouvoir passer. LA GRANDE-DUCHESSE Le prince Paul! encore! NÉPOMUC Que faut-il répondre? LA GRANDE-DUCHESSE Enfin allez chercher le prince Paul Et amenez-le moi Quant au baron Grog, Qu’on ne m’en parle plus! J’ai refusé de le recevoir Et ne le recevrai pas! (Népomuc sort par à droite. À Fritz) Allez mettre votre uniforme, Monsieur le capitaine Et, dès que vous l’aurez mis, Revenez Je tiens à voir comment il vous va. FRITZ Ça m’ira très bien. (Il sort) LA GRANDE-DUCHESSE (aux soldats) Allez, mes amis allez Tout à l’heure, Je vous reverrai une dernière fois, Avant votre départ pour la bataille! (Sortent par à droite. Boum fait entrer les demoiselles d’honneur dans sa tente. Les paysannes s’éloignent et Wanda sort par la gauche) Offenbach,Jacques/La Grande-Duchesse de Gérolstein/I-2
https://w.atwiki.jp/mainichi-matome/pages/4573.html
The story below is originally published on Mainichi Daily News by Mainichi Shinbun (http //mdn.mainichi.jp). They admitted inventing its kinky features, or rather deliberately mistranslating them from the original gossip magazine. In fact, this is far from the general Japanese behavior or sense of worth. このページは、毎日新聞事件の検証のための配信記事対訳ページです。直接ジャンプして来られた方は、必ずFAQをお読みください。 ※ この和訳はあくまでもボランティアの方々による一例であり、翻訳の正確さについては各自判断してください。もし誤訳(の疑い)を発見した場合には、直接ページを編集して訂正するか翻訳者連絡掲示板に報告してください。 The transvestite tales of a public pen-pusher公僕事務屋の服装倒錯物語 拡散状況 関連ページ The transvestite tales of a public pen-pusher 公僕事務屋の服装倒錯物語 0 The transvestite tales of a public pen-pusher 2006,06,20 Shukan Asahi 6/23 By Ryann Connell 公僕事務屋の服装倒錯物語 週刊朝日 6/23 ライアン・コネル記 1 "She" strutted into the train carriage, hitched up "her" black miniskirt, and slumped down on the Hankyu Line train seat with "her" legs spread. From a hole in "her" pantyhose protruded an object that not only gave away the fact that "she" was a "he," but also suggested that he was in a very happy mood,indeed, according to Shukan Asahi (6/23). 『彼女』は列車の客車に気取りながら歩いて乗り込み、『彼女の』黒いミニスカートをぐいっと引き上げ、『彼女の』足を広げて阪急線の電車の座席に座り込んだ。 『彼女の』パンティーストッキングの穴からはある物体が飛び出していて、ソレは、『彼女』が『彼』であるという事実を明らかにするのみならず、実のところ、彼が大変幸せな気分だったことを示していた。週刊朝日(6/23)より。 2 He/she was 56-year-old Yutaka Ikeuchi, who was arrested for indecent exposure. Police collared him when he tried to escape after a group of girls on the train started asking him what the hell he thought he was doing. 彼/彼女は、56歳の池内裕で、公然わいせつで逮捕された。 警察が彼を捕まえたのは、電車に乗っていた少女の一団が、いったいぜんたい彼がしていることを自分でどう思っているのか、と訊ね始めた後に彼が逃げようとしたときのことだった。 3 "He gave us a false name at first, but then let us know that he had an apartment in Toyonaka, Osaka Prefecture," a police source tells Shukan Asahi. 「彼は最初私たちに偽名をいいましたが、そのあと私たちは、彼には大阪府豊中にアパートがあることを知りました」と、捜査関係者は週刊朝日に語る。 4 When he s not prancing around Kansai wearing women s clothing, Ikeuchi is actually every bit as stiff and staid as he was on the train; only in a different way, as the head of the general affairs division in the Amagasaki Municipal Government s Welfare Bureau. 彼が女性の服を着ながら関西を意気揚々と歩き回っていないときも、池内は実のところ、彼が上述の電車に乗っていたときと同じく、カチカチのカタブツだったのである;もっとも、尼崎市健康福祉局の総務部長という、違ったふうにではあったが。 5 Ikeuchi joined the government in 1973, filling a number of prominent positions and becoming a veteran pen pusher. Public servants are shocked at the fate that has befallen him. 池内は1973年に入庁し、重要な役職を歴任し、経験豊かな事務屋となった。 彼に降りかかった悲運に、公務員たちはショックを受けた。 6 "His wife called us one Monday morning, saying that she hadn t seen her husband since he left their home early Saturday and wondering if something had happened to him," an Amagasaki official tells Shukan Asahi. "We had no idea he was into cross-dressing. We were shocked when the police contacted us and told us about it." 「ある月曜の朝、彼の妻が、土曜日の早くに家を出て以来夫を見かけていないといって、彼に何かが起ったのではと思って、私たちに電話をかけました」と、尼崎市の役人は言う。 「私たちには、彼に女装趣味があったとは少しもわかりませんでした。警察が私たちに連絡してそのことを話したとき、私たちはショックを受けました」 7 While Ikeuchi may have a 30-plus-year career shuffling papers, that s not the only career he can boast of carrying out for more than three decades -- he s also been dressing up as a woman since his 20s. Ikeuchi is a member of an Osaka crossdressers club. When he was arrested, he was on his way back to the Toyonaka apartment where he stores his women s clothes before dressing as a man again and returning to his wife s side at their home in Nishinomiya, Hyogo Prefecture. 池内には三十数年のペーパーワークのキャリアがあるかもしれないが、三十年以上やっていると彼が自慢できるのはそれだけではなかった――彼はまた、二十代の頃から女装をし続けているのだ。 池内は大阪の女装クラブの会員である。 彼が逮捕されたとき、彼は女物の衣服が保管してある豊中のアパートに戻る途中だった。 男性用の服を着て兵庫県西宮市にある自宅の妻の元に戻る前のことである。 8 "You can tell clearly at first sight that he s a man, but his walk and hip-swaying showed the results of 30 years of practicing. When he was arrested, he was carrying a bunch of condoms and tampons. He wasn t wearing undies when he was arrested, either. Apparently, he d been messing around at the crossdressers club and was so excited he forgot to put them back on again when he left. I don t know exactly what he d been getting up to there," the investigation insider says. "His wife apparently had no idea he d been doing this for years." 「一見するだけで彼が男だということはわかりますが、彼の歩き方や腰の振り方は三十年間の実践の賜物です。逮捕されたとき、彼はたくさんのコンドームとタンポンを持っていました。また、彼は逮捕されたときに下着をはいていませんでした。どうやら、彼は女装クラブで大騒ぎをした後で、興奮しすぎて店を出るときに穿きなおし忘れたようです。彼がそこでいったい何をしていたかについてはわかりません」と、前述の捜査関係者は言う。 「彼がこのことを何年もやっていたことは、彼の妻も知らなかったみたいです」 9 Amagasaki Mayor Aya Usui, who, the weekly makes a point of noting, is a former airline stewardess, has promised to crack down on Ikeuchi. 元客室乗務員であると週刊朝日が指摘して注釈をつけるところの、尼崎市長・白井文は、池内に厳正に対処すると約束している。 10 "It s not appropriate behavior for a public servant," the mayor says. 「これは公務員としてあるまじき行為です」と、市長は言う。 #11 Ikeuchi has been suspended from work pending a decision on how to treat him. He has admitted his guilt in the case. 彼にどういう処分を行うかはまだ決まっておらず、彼は職場から謹慎させられている。 彼はこの事件において有罪であることを認めている。 11 "I wanted liberation," the weekly quotes him saying to the police. 「私は開放感が欲しかったのです」と、彼が警察に言ったことを週刊朝日は引用する。 12 In the meantime, Ikeuchi is trying to keep a lid on the incident. 一方で、池内はこの事件を伏せようとしている。 13 "I beg you, keep this quiet," Shukan Asahi quotes Ikeuchi saying when its reporters approached him at home to question him about the case. "It s gotta be kept quiet or it ll cause uproar." (By Ryann Connell) 「お願いします、そっとしておいてください」と、事件について質問するために池内の家を訪問したとき彼が言ったことを、週刊朝日は引用する。 「このことをそっとしておかないと、大騒ぎがおこるでしょう」(ライアン・コネル記) 14 June 20, 2006 2006年6月20日 拡散状況 Blogger 部分転載:http //transfofa.blogspot.com/2006/06/mausa-prison-chief-says-inmate-sex.html 英語サイト http //www.railpage.com.au/f-p565425.htm#565425 (*1) http //articles.urnotalone.com/867 関連ページ Blogger WaiWaiの記事を転載した英語サイト:R WaiWaiの記事を転載した英語サイト:U 兵庫県尼崎市 毎日新聞英語版から配信された記事2006年
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adaptief onderwijs ともいう。wikipedia の説明 Adaptief onderwijs (ook passend onderwijs of onderwijs op maat) is een onderwijsideaal van sommige onderwijskundigen om leerlingen minder frequent te laten doorstromen naar speciaal onderwijs door binnen een reguliere school mogelijkheden te creëren om op een eigen manier en tempo kennis op te doen. Adaptief komt van het woord adaptatie dat “passend” of “erbij passend” betekent. Inhoud [verbergen] 1 Doel en uitwerking van adaptief onderwijs 2 Stevens en Doornbos 3 Twee manieren van aanpak adaptief onderwijs 4 Effecten op verdere leven 5 Kritiek 6 Nederlandse wetgeving 7 Zie ook Doel en uitwerking van adaptief onderwijs [bewerken] Doel van adaptief onderwijs is onder meer De leerling te laten leren door informatie dusdanig aan te bieden dat het bij de leerling past met als visie dat de leerling beter leert als de leerstof op de leerling is afgestemd en op zo n manier wordt aangeboden dat het de interesse van de leerling heeft. Kennis en lessen minder statisch maken, maar door samenwerken, afwisseling en proefjes de leerling enthousiasmeren voor datgene wat geleerd moet worden. Het aanspreken, stimuleren en ontwikkelen van de eigen verantwoordelijkheid en zelfvertrouwen van de leerling. Heden ten dage is adaptief onderwijs in diverse niveaus uitgewerkt. Er zijn scholen die adaptief onderwijs als basisuitgangspunt hebben genomen en alles daaruit voort laten vloeien. Het Iederwijs is zo’n school, Dit onderwijs laat de leerling heel vrij in het op zoek gaan naar kennis en past alles aan de leerling aan. Deze zeer ver gaande vorm blijkt echter nauwelijks levensvatbaar te zijn. Daarnaast staat het traditionele vernieuwingsonderwijs zoals Montessorionderwijs, Daltononderwijs, Jenaplanschool, Freinetschool en de Vrije school en de na-oorlogse onderwijsconcepten Ontwikkelings- (O.G.O.) en Ervaringsgericht Onderwijs (E.G.O.) er om bekend hun onderwijs op een adaptieve manier vorm te geven. Ook op kleinere schaal wordt binnen het regulier onderwijs door scholen gezocht naar mogelijkheden om meer onderwijs op maat te kunnen verzorgen. Stevens en Doornbos [bewerken] De professoren Stevens en Doornbos werkten nauw samen in het onderzoek binnen adaptief onderwijs. Professor en orthopedagoog Luc Stevens aan de Universiteit Utrecht liet zich in 1987 met regelmaat kritisch uit over de vormgeving en het beleid van het speciaal onderwijs. Het Ministerie van Onderwijs en Wetenschappen en de Landelijke vakorganisaties gaven daarom hem en professor Doornbos van de Universiteit van Amsterdam de opdracht om onderzoek te doen naar de groei en mogelijkheden binnen het speciaal onderwijs. Luc Stevens staat sinds 1994 tot vandaag de dag zeer bekend om zijn bijdragen en onderzoek omtrent het adaptief onderwijs. Bepaalde ideeën heeft hij ontleend aan werken van psycholoog Deci. Professor Doornbos (Universiteit van Amsterdam) bracht in 1990 in kaart welke mogelijkheden er zijn voor adaptief onderwijs en welke veranderingen nodig waren om adaptief onderwijs te kunnen presenteren aan de rest van de wereld. In 1993 wordt het iets anders geformuleerd in een beleidsanalyse Weer Samen naar School genaamd. Adaptief onderwijs wordt daarbij omschreven als "(...) Om toegesneden onderwijs te geven aan leerlingen die specifieke onderwijskundige behoeften met zich meebrengen." Twee manieren van aanpak adaptief onderwijs [bewerken] Er zijn twee manieren te onderscheiden, te weten 1.De zogenaamde ad-hocaanpak, waarbij de mogelijkheden van adaptief onderwijs voor kortere periodes wordt bekeken. Er wordt daarbij gekeken naar wat de leerling zelf aangeeft, er wordt ingespeeld op de behoeften van de leerling die op dat moment het meest aanwezig zijn. 2.En de structurele aanpak, waarbij er voor langere tijd een onderwijsplanning wordt gemaakt. Het verschil met de ad-hocaanpak is dat de structurele methode niet slechts incidenteel is maar echt voor langere tijd overzicht biedt van de behoeften van de leerling. Effecten op verdere leven [bewerken] Er zijn te weinig studies die duiden wat de effecten op langere termijn zijn als een kind in een adaptieve leeromgeving is opgegroeid. Er komen namelijk signalen dat het adaptieve karakter gehandhaafd moet blijven om hetzelfde niveau/type werkresultaten en leef/werk-houding te houden. We onderscheiden hierin twee soorten adaptieve voorwaarden, waarvan de tweede dus onvoorwaardelijk voor "de rest" van het leven aan moeten blijven om gedrag/inzet/kennis/vaardigheden te consolideren type-1 Soorten adaptaties die gaande het inleer-proces verminderen omdat de vaardigheid de kans krijgt een tweede natuur te worden. Hiertoe lijken enkele neuro-eisen als randvoorwaarden nodig Het kind moet de leersituatie herkennen, dan wel de trigger herkennen om een vaardigheid te tonen; Het kind moet de resultaten in kunnen schatten op effect en nut/kwaliteit. type-2 Soorten adaptaties die blijvend nodig zijn Het kind ontbeert de kwaliteiten van reflectie en inschatten, en kan zo niet goed zelf omgaan met het oproepen en analyseren van gevraagde vaardigheden. Dit soort adaptaties moeten overgedragen worden naar volgende scholen en uiteindelijk naar zowel komende werkomgevingen als privé-omgevingen. Kritiek [bewerken] Omdat het hier een ideaal betreft, is er geen wetenschappelijk onderzoek beschikbaar waaruit blijkt dat deze onderwijsfilosofie goede leerresultaten oplevert. Hierdoor is er ook stevige kritiek op deze onderwijsvernieuwing door deskundigen die stellen dat grootschalige onderwijsvernieuwingen evidence-based dienen te zijn. Nederlandse wetgeving [bewerken] Het wetsvoorstel Wijziging van enkele onderwijswetten in verband met een herziening van de organisatie en financiering van de ondersteuning van leerlingen in het basisonderwijs, speciaal en voortgezet speciaal onderwijs, voortgezet onderwijs en beroepsonderwijs is door de Tweede Kamer aanvaard en is aanhangig in de Eerste Kamer. Volgens het Stabiliteitsprogramma Nederland 2012 van april 2012 zullen bezuinigingen op het bijzonder om passend onderwijs voor een bedrag van 100 miljoen per jaar echter niet doorgaan. Zie ook [bewerken] Inclusief onderwijs Categorie Onderwijsvorm
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bold(){Akku Dell Studio XPS 1645} Als eine der ersten Redaktionen hatten wir die Gelegenheit, das kommende GX800 ausführlich unter die Lupe zu nehmen. Asus erhöht im Vergleich zum GX700 nicht nur die Performance und die Abmessungen, sondern verpasst dem Gerät auch ein 4K-Display mit G-Sync-Unterstützung. Hält das Kühlsystem den Anforderungen stand? Unsere Preview klärt erste Fragen. Asus GX700 trifft MSI GT80 So könnte man das brandneue GX800 in einem Satz zusammenfassen. Während die externe Wasserkühlung (Hydro Overclocking System) beibehalten wurde, ist das Chassis von 17 auf 18 Zoll gewachsen, was Platz für eine Dual-GPU-Lösung schafft. Um nicht hinter MSI zurückzufallen und den exorbitanten Preis zu rechtfertigen, verbaut Asus die stärksten Notebook-GPUs auf dem Markt. Da Nvidias Pascal-Generation noch etwas Zeit benötigt, musste unser Testgerät mit zwei Maxwell-Chips, genauer gesagt der GTX 980 SLI vorliebnehmen (für Käufer gibt es die Top-Next-Gen-GPUs). Entsprechend sind die Benchmark-Ergebnisse und die Emissions- bzw. Energiewerte des Artikels nicht repräsentativ. Eine weitere Abweichung betrifft das Display. Im Gegensatz zum Prototypen soll die finale Version kein FHD-, sondern ein UHD-Panel mit G-Sync-Support enthalten (angeblich das erste 18-Zoll-Modell weltweit). Aufgrund des sehr frühen Status werden wir bestimmte Kategorien nicht beurteilen. An folgenden Bereichen schraubt Asus bis zur Veröffentlichung noch Das Design richtet sich über weite Strecken nach dem 17-Zoll-Bruder GX700. Asus verwendet erneut eine Mischung aus Metall (Deckel) und Kunststoff (zum Teil gummiert), die qualitativ an den Hauptkonkurrenten von MSI, das GT80S, heranreicht. Durch das größere Display und die doppelte Grafikpower ist das Gehäuse allerdings wuchtiger und schwerer als beim GX700. So sind es statt 3,9 jetzt 5,69 Kilogramm – knapp 50 % mehr. Mit Wasserkühlung (4,7 kg) erreicht das System über 10 Kilo. Wenn man noch die beiden Netzteile (jeweils 1.280 Gramm) dazurechnet, ergibt sich ein Gesamtgewicht von 13 Kilogramm. Das MSI GT80S, welches bei identischer Hardware ohne Wakü und mit einem Netzteil auskommt, wiegt inklusive Stromversorgung »nur« 6,3 Kilogramm. Doch egal, ob GX800 oder GT80S Zum häufigen Transport sind die Notebooks kaum geeignet. Beide Geräte zielen vor allem auf Nutzer, die ein stationäres System, aber keinen dicken Tower-PC möchten. Ansonsten macht das Chassis eine überaus gute Figur. Neben der Optik hat uns auch die Robustheit gefallen. Infos zur Wasserkühlung erhalten Sie im Test des GX700. Letztere bietet immer noch die selben Stärken (Kühlleistung) und Schwächen (Platzbedarf), wenngleich Asus laut eigenen Aussagen mehrere Optimierungen vorgenommen hat. Zum Beispiel wird nun auch die CPU und nicht mehr nur die GPU gekühlt. Analog zum GX700 fällt die Anschlussausstattung üppig aus. Respekt gibt es unter anderem für die Bildausgänge. Dank HDMI 2.0, DisplayPort 1.4 und Thunderbolt 3.0 lassen sich alle möglichen Displays anschließen und mit 3.840 x 2.160 Pixeln in 60 Hz betreiben. Drei USB-3.0-Ports und zwei USB-3.1-Ports vom Typ C verdienen ebenfalls Lob. Da die Rückseite für die Wasserkühlung reserviert ist, musste Asus die Schnittstellen notgedrungen auf beide Seiten verteilen. Immerhin finden sich die meisten Anschlüsse jetzt links und nicht mehr rechts, was für einen Großteil der Käufer besser ist (Stichwort Mauseinsatz). Der Cardreader erreicht eine sehr hohe Performance. Knapp 228 MB/Sek beim sequentiellen Lesen und 159 MB/Sek beim Übertragen von 250 jpg-Bildern sind überdurchschnittlich und orientieren sich am Schenker XMG U726. Akku Dell Studio XPS 1645 リンク名 http //www.laptopsakku.com/dell-studio-xps-1645.html . Für die Kommunikation ist ein Gigabit-Ethernet-Controller und ein topmodernes Funkmodul zuständig. Asus verspricht WLAN 802.11 a/b/g/n/ac (2x 2 Antennen) und Bluetooth 4.1. Unser Testgerät war mit Intels Wireless-AC 8260 bestückt. Außen am Gehäuse wartet übrigens ein WiFi-Antennen-Anschluss. Die Software hat viel Potenzial. Per Gaming Center lassen sich nicht nur diverse Systemeinstellungen vornehmen und die Komponenten überwachen, sondern auch der Prozessor, die Grafikkarte und der Arbeitsspeicher übertakten. Während der Core i7-6820HK normalerweise auf bis zu 3,6 GHz kommt, erhöht das Turbo-Gear-Setting »Extreme« (beim Windowsstart automatisch aktiv) den CPU-Wert auf maximal 4,4 GHz, was umgerechnet +22 % sind. Das Overlcocking der GPU ist ebenfalls nicht von schlechten Eltern. Im Falle der GTX 980 sorgt der Extreme-Modus für maximal 1.328 statt 1.190 MHz beim Kern (+12 %) und 3.700 statt 3.500 MHz beim Videospeicher (+6 %). Da MSI im GT80S nur die CPU übertaktet, liegt das GX800 – je nach Game respektive Benchmark – teils deutlich vorn. Hinzu kommt eine OC-Möglichkeit des DDR4-RAMs (2.800 statt 2.400 MHz). Abgerundet wird das Gaming Center von einer manuellen Lüftersteuerung für Wakü und Notebook. Unsere Tests basieren auf dem Setting »Auto«. Turbo Gear wurde im Idle auf »Standard« und im 3D-Betrieb auf »Extreme« gestellt. Ohne Wakü läuft der Videospeicher – das GX700 lässt grüßen – nur mit dem Taktlevel einer GTX 980M (2.500 MHz). Die Wartung ist leider immer noch kompliziert (siehe Text beim GX700). Der Hersteller verzichtet erneut auf eine Klappe, so dass man den kompletten Boden entfernen muss, um an den Akku, das Kühlsystem, den Massenspeicher und die RAM-Bänke zu gelangen. Trotz »work-in-progress« machen die Eingabegeräte einen vielversprechenden Eindruck. Asus nimmt das GT80S als Vorbild und integriert ein mechanisches Keyboard, dessen Tasten allerdings wesentlich flacher sind, wodurch die Tastatur weiter oben platziert werden kann (bessere Ergonomie) und noch Raum für ein klassisches Touchpad vorhanden ist. Weitere Highlights sind die abgesetzten Richtungspfeile, der dedizierte Makro-Bereich und die stylishe Beleuchtung. Im Vergleich zu einem Standard-Keyboard fühlen sich Eingaben knackiger und präziser an (zulasten des Tippgeräuschs). Beim Touchpad wären das glatte Finish und die Dimensionierung positiv hervorzuheben. Akku Dell Studio 1747 リンク名 http //www.laptopsakku.com/dell-studio-1747.html . Wie eingangs angesprochen, wird das finale GX800 mit einem UHD-IPS-Panel auftrumpfen können. Nvidias G-Sync-Technik ist ebenfalls an Bord. Letztere verhindert Zeilenverschiebungen und garantiert eine flüssige Darstellung. Der Protoyp hatte nur ein FHD-Display ohne G-Sync, weswegen wir keine Messungen durchführen. Selbst ohne die Next-Gen-GPUs des Seriengeräts ist das Asus GX800 das aktuell stärkste Desktop-Replacement. Einen High-End-Quadcore bieten zwar fast alle Gaming-Notebooks, mit der Leistung der Grafikchips kann es jedoch keiner der Konkurrenten aufnehmen. Der Speicherausbau ist ebenfalls referenzwürdig 64 GByte DDR4-RAM sollten für die kommenden Jahre locker reichen. Als i-Tüpfelchen stecken unter der Haube noch drei NVMe-SSDs, die zusammen ein RAID-0-Gespann bilden. Beim Prozessor greift Asus auf den Core i7-6820HK aus Intels Skylake-Generation zurück. Das Vierkern-Modell besitzt eine TDP von 45 Watt und wird im 14-nm-Verfahren hergestellt. Die Menge des L3-Caches liegt mit 8 MByte etwas über dem Niveau des erfolgreichen Core i7-6700HQ, der nur 6 MByte enthält. Die Taktraten hängen wie gesagt vom Turbo-Gear-Setting ab. Ohne zusätzliches Overclocking ist spätestens bei 3,6 GHz Schluss. Im Extreme-Modus sind derweil über 4 GHz möglich. Auf eine Analyse des Taktverhaltens per Cinebench verzichten wir noch, weil laut Asus der Wasserblock bzw. dessen Kontakt zur CPU nicht final ist. Gleiches gilt weiter unten für die Temperaturen. Nichts zu verbessern gibt es bei der Systemleistung. 8.047 Punkte im PCMark 7 sind das höchste Resultat, das wir jemals ermittelt haben (Desktop-PCs eingeschlossen). Hauptursache für das tolle Abschneiden ist der RAID-Verbund aus mehreren M.2-SSDs. Womit wir beim nächsten Thema angelangt wären dem Massenspeicher. Asus geht hier keine Kompromisse ein und setzt auf gleich drei NVMe-SSDs von Samsung (SM951), die jeweils 512 GByte fassen. Sowohl im AS SSD Benchmark als auch im CrystalDiskMark ergattert das GX800 häufig die Performance-Krone. Knapp 3.000 MB/Sek beim sequentiellem Lesen und 2.400-2.600 MB/Sek beim sequentiellen Schreiben sind ein herausragender Wert. Kleine Dateien packen die Solid State Drive auch flott, so dass Windows ungemein schnell reagiert (Bootvorgang, Ladezeiten, ...). Obwohl es eigentlich wenig Sinn macht, Grafikkarten zu testen, die in dieser Form nicht mit dem Serienprodukt übereinstimmen, haben wir jede Menge Benchmarks zur GTX 980 SLI durchgeführt. Einmal, um fehlende Titel in unserer Spieleliste zu ergänzen. Und andererseits, damit wir nach dem Erscheinen der Pascal-Architektur die Energieeffizienz und die Leistungssteigerung besser beurteilen können. Doch zurück zum Presample Die GeForce GTX 980 ist – SLI hin oder eher – die kräftigste Notebook-GPU zum Zeitpunkt des Artikels. Das Topmodell aus dem Hause Nvidia basiert auf der inzwischen leicht betagten Maxwell-Architektur, die noch im 28- statt im 16-nm-Prozess entsteht. Mit 2.048 CUDA Cores verfügt sie über deutlich mehr Shader-Einheiten als die günstigeren Brüder GTX 980M (1.536) und GTX 970M (1.280), was große Auswirkungen auf die Performance hat. Beim Speicherausbau (8 GB GDDR5) und beim Speicherinterface (256 Bit) gibt es ebenfalls nichts zu meckern. Akku Dell Studio 1745 リンク名 http //www.laptopsakku.com/dell-studio-1745.html . Klasse Im Extreme-Modus läuft die GTX 980 am Limit. Wie unsere Benchmarks zeigen, profitiert der 18-Zöller stark vom Overclocking. Der 3DMark 13 und der 3DMark 11 sehen das GX800 zwischen 10 und 20 % vor dem MSI GT80S. Wenn Asus das Turbo-Gear-System beibehält, dürfte der Abstand auch ungefähr für die Pascal-Versionen der beiden Laptops gelten (außer MSI entscheidet sich beim GT80-Nachfolger ebenfalls für eine Übertaktung der Grafikkarte.
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PosaunenQuintett Berlin メンバー Wilfried Helm (alto/tenor trombone) 1962年生まれ Ralf Zank (tenor trombone) 1960年生まれ Thomas Richter (tenor trombone) 1965年生まれ Norman Reichelt (tenor/bass trombone) 1962年生まれ Jörg Lehmann (bass/tenor trombone) 1962年生まれ Jens Peter Erbe (Tuba) 1965年生まれ 1982年結成。 トマス・リヒターは初期よりゲストとして参加していたが、2001年より正式メンバーとして加入(ノルマン・ライヒェルトは脱退?)。 ・"Musik für Blechbläser" (1990) ・Säbeltanz aus der 3. "Gajaneh"- Suite (1942) / A.Chatschaturian ・La Bavara für 4 Posaunen und B.c. / G.M.Cesare ・Sonata zu 4 Stimmen / D.Speer ・Scherzo e corale (1977) für 4 Posaunen / F.Hidas ・Türkische Fantasie (1987), für das PQB / B.Poulheim ・magna Tonträger Produktions 2100162 ・1987/88 収録 ・"Posaunenquintett Berlin Vol. 1 (Portrait)" (1990) ・Sonate d-moll für 4 Posaunen (1685) / G.D.Speer ・Suite (1685) / J.C.Pezelius ・Drei Equale für 4 Posaunen, WoO 30 (1812) / L.van Beethoven ・Canzon Cornetto (1621) / S.Scheidt ・Sonaten 26 24 (1670) / J.C.Pezelius ・Alla Hornpipe aus "Water Music, HWV 349" (1717) / G.F.Händel ・Deep Brass Joke (1954), Scherzo für 4 Posaunen und Tuba / S.Rybrant ・Musik für Posaunenquintett (1987/88) / S.Thiele ・4 Préludes aus "Préludes pour Piano" (1910) / C.A.Debussy ・New Rag, Ragtime / S.Joplin ・Lady Madonna (1968) / J.Lennon P.McCartney(Beatles) ・Säbeltanz aus "Gayaneh, Suite" (1942) / A.I.Khatchaturian ・Hernando s Hideaway / J.Ross ・KOCH INTERNATIONAL CLASSICS Schwann CD 310 089 H1 ・1990.01. 収録 ・"Posaunenquintett Berlin Vol. 2 (Weihnachts-CD)" (1992) ・Tochter Zion, freue dich / G.F.Händel ・Joseph, lieber Joseph mein / Trad. ・Auf dem Berge, da wehet ein wind / Trad. ・Passacaille aus "Pièces de clavecin" (1717?) / F.Couperin ・Am Weihnachtsbaume die Lichter brennen / Trad. ・Kommet ihr Hirten / Trad. ・Nu är det jul igen / Trad. ・Cànzon à 5 (1613) / P.Peuerl ・O Tannenbaum, du trägst ein n grünen Zweig / Trad. ・Maria durch ein Dornwald ging / Trad. ・Kinderlein zart, von guter Art / Trad. ・Süßer die Glocken nie klingen / Trad. ・In dulci jubilo / J.S.Bach ・Chaconne aus "Pièces de clavecin" (1713?) / F.Couperin ・"Es ist ein Ros entsprungen" aus "11 Choralvorspiele, Op.122" Nr.8 (1896) / J.Brahms ・Sonate 32 (1670) / J.C.Pezelius ・Stille Nacht, heilige Nacht (1818) / F.Grüber ・O du fröhliche, o du selige / Trad. ・Lobet den Herrn, den mächtigen König / J.S.Bach ・KOCH INTERNATIONAL CLASSICS Schwann 3-1206-2 ・1991.04.-07. 収録 ・"Die Posaune" (1992) ・Alla Hornpipe aus "Water Music, HWV 349" (1717) / G.F.Händel ・4 Préludes aus "Préludes pour Piano" (1910) / C.A.Debussy ・Deep Brass Joke (1954), Scherzo für 4 Posaunen und Tuba / S.Rybrant ・Säbeltanz aus "Gayaneh, Suite" (1942) / A.I.Khatchaturian ・KOCH INTERNATIONAL GmbH 3-1334-2 ・1990.01. 収録(Vol. 1と同じ音源) ・"Swinging Trombones (Vol. 3)" (2000) ・Cabaret / J.Kander ・Moonlight Serenade / G.Miller ・Fly me to the moon (1954) / B.Howard ・Down by the riverside / Trad. ・Nostalgic Rag, Op.183/5 / W.G.Leidel ・Eleanor Rigby (1966) / J.Lennon, P.McCartney ・Yesyerday (1965) / J.Lennon, P.McCartney ・Ob-la-di, Ob-la-da (1968) / J.Lennon, P.McCartney ・Turkey Trot from "Divertimento for Orchestra" (1980) / L.Bernstein ・Somewhere from "West-Side-Story" (1957) / L.Bernstein ・Blue Rondo a la Turk / D.W.Brubeck ・Ten Dance Studies / T.Jahn ・First Shout / B.E.Lynn ・Berliner Tanz / H.Behrsing ・Giocoso / B.Poulheim ・Yes, Sir, that s my baby / W.Donaldson ・Merci, merci, merci ... / J.Zawinul ・KOCH CLASSICS GmbH/Schwann 3-6429-2 ・1994. 収録 ・"MUSIK IN DEUTSCHLAND 1950-2000 Instrumentale Kammermusik Traditionelle Ensembles 1970-1990" (2007) ・4 1 fur 4 Posaunen und Tuba (1986) / L.Glandien ・SONY BMG MUSIC ENTERTAINMENT (RCA RED SEAL) 74321 73590 2 ・7枚組CD"MUSIK IN DEUTSCHLAND 1950-2000 Instrumentale Kammermusik (74321 73663 2)"の2枚目"Traditionelle Ensembles 1970-1990(74321 73590 2)"に収録 ・1990.09.04 収録
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ACTE PREMIER Une vaste et somptueuse salle en hémicycle dans le château de Barbe-Bleue. Au fond une grande porte. De chaque côté de celle-ci trois petites portes d êbène à serrures et ornements d argent ferment des espèces de niches dans une colonnade de marbre. Au-dessus de ces portes, mais au dernier plan, six fenêtres monumentales auxquelles on peut accéder de chaque côté de la salle, par un escalier arrondi qui amène à une sorte de balcon intérieur. C est le soir, les lustres sont allumés et les fenêtres ouvertes. - Au dehors, c est-à-dire derrière les fenêtres du fond, une foule agitée qu on ne voit pas, mais dont on entend très distinctement les cris tour à tour effrayés, inquiets et menaçants, les mouvements subits, les piétinements et les murmures. Dès les premières mesures de l ouverture, le rideau se lève et l on entend immédiatement, à travers la musique, les voix de la foule invisible. VOIX DE LA FOULE L avez-vous vue dans le carrosse ? - Tout le village l attendait. - Elle est belle ? - Elle m a regardé. - Moi aussi. - Moi aussi. - Elle était triste mais elle souriait. - On dirait qu elle aime tout le monde. - On n en a jamais vu d aussi belle. - D où vient-elle ? - De très loin, pour qu elle ne sache point ce qui l attend ici. - Ils ont voyagé trente jours. - II ne peut pas nous voir, crions pour l avertir ! Tous ensemble N allez pas plus avant! - N entrez pas au château. - N entrez pas c est la mort ! - Voix isolées Elle ne comprendra pas. - II paraît que vingt hommes de sa ville l ont suivie. - Pourquoi? -Parce qu ils l aiment. - II paraît qu on pleurait dans les rues. - Pourquoi est-elle venue? - On m a dit qu elle avait son idée. - II n aura pas celle-ci. - Non, non, elle est trop belle. - II n aura pas celle-ci ! - Les voilà! Les voilà! - Où vont-ils? - Ils ont pris la porte rouge. - Non, non, je vois des torches dans l avenue. - Voilà le grand carrosse entre les arbres ! - II a peur ! - II n aura pas celle-ci ! Il est fou ! Hou ! Hou ! - C est assez ! c est assez ! Ça fera la sixième ! -Assassin ! Assassin ! À mort ! à mort ! à mort ! - II faut mettre le feu ! -J ai pris ma grande fourche ! -J ai apporté ma faux ! - Ils entrent dans la cour. - Allons voir. - Prenez garde ! - Les portes sont fermées. - Attendons-les ici. - On dit qu elle sait tout. - Que sait-elle? [12] - Ce que je sais aussi. - Mais quoi ? que savez-vous ? - Que toutes ne sont pas mortes ! - Pas mortes ? Oh là là ! - Je les ai mises en terre! - Un soir que je passais j ai entendu chanter. - Moi aussi! - Moi aussi ! - On dit qu elles reviennent ! - II attire le malheur ! - Regardez ! regardez ! Il attire le malheur ! - Regardez ! regardez ! Les fenêtres se ferment!... Ils vont entrer! - On ne voit rien ! - A mort! à mort! à mort!... A ce moment, en effet, les six fenêtres monumentales au-dessus des niches de marbre se ferment d elles-mêmes étouffant à mesure les voix de la foule. - On n entend plus qu un grondement indistinct qui est presque le silence. Peu après, par une porte latérale, entrent dans la salle Ariane et la nourrice. LA NOURRICE Où sommes-nous? - Ecoutez, on murmure. - Ce sont les paysans. - Ils voudraient nous sauver. - Ils couvraient les chemins, ils n osaient point parler, mais ils nous faisaient signe de nous en retourner. - Elle va à la grande porte du fond. - Ils sont derrière la porte. -Je les entends qui marchent. Essayons de l ouvrir... Il nous a laissées seules, nous pouvons fuir peut-être... Je vous l avais bien dit, il est fou, c est la mort... Ce qu on a dit est vrai, il a tué cinq femmes... ARIANE Elles ne sont pas mortes. On en parlait là-bas comme d un mystère étrange, dans le pays lointain où son amour sauvage et qui tremblait pourtant, est venu me chercher. - Je m en doutais là-bas, et j en suis sûre ici... Il m aime, je suis belle et j aurai son secret. Il faut d abord désobéir; c est le premier devoir quand l ordre est menaçant et ne s explique pas. - Les autres ont eu tort, et si elles sont perdues, c est qu elles ont hésité. - Nous voici dans la galerie qui précède la salle où son amour m attend. - II m a donné ces clefs qui ouvrent les trésors des parures nuptiales. Les six clefs d argent sont permises, mais la clef d or est interdite. C est la seule qui importe. - Je jette les six autres et garde la dernière. - Elle jette les clefs d argent qui tintent en s éparpillant sur les dalles de marbre. LA NOURRICE, se précipitant pour les ramasser Que faites-vous? - II vous avait donné tous les trésors qu elles ouvrent... [13] ARIANE Ouvre toi-même si tu veux. - Je vais chercher la porte défendue. - Ouvre les autres si tu veux; tout ce qui est permis ne nous apprendra rien. LA NOURRICE, regardant les clefs et la salle Voilà les portes dans le marbre. Elles ont des serrures d argent pour nous dire qu elles repondent aux clefs. Laquelle ouvrirai-je d abord? ARIANE Qu importe. - Elles ne sont là que pour nous détourner de ce qu il faut savoir. - Je cherche la septième et ne la trouve point... LA NOURRICE, essayant les clefs sur la première porte Quelle clef ouvrira la première? - Celle-ci? - Non. - Celle-là? -Pas encore. - Oh ! la troisième y entre et entraîne ma main ! - Prenez garde ! - Fuyez ! Les deux battants s animent et glissent comme un voile. - Qu est ceci? - Prenez garde, c est une grêle de feu qui s abat sur mes mains et me meurtrit la face. - Oh!... La nourrice fait un saut en arrière car, tandis qu elle parle encore, les deux vantaux glissent d eux-mêmes dans des rainures latérales et subitement disparaissent, découvrant un prodigieux amoncellement d améthystes entassées jusqu au sommet de l ouverture. Alors, comme délivrés d une contrainte séculaire, des joyaux de toutes formes mais de même substance, colliers, aigrettes, bracelets, bagues, boucles, ceintures, diadèmes, croulent en flammes violettes et rebondissent jusqu au fond de la salle, cependant qu à mesure que les premiers se répandent sur le marbre, de toutes les infractuosités des voûtes réveillées continuent d en ruisseler d autres, de plus en plus nombreux et admirables, au milieu d un bruit de pierreries vivantes qui ne s arrête plus. LA NOURRICE, éblouie, affolée, les ramassant à mains pleines Prenez-les ! - Penchez-vous ! Ramassez les plus belles ! - II y en a assez pour orner un royaume ! Il en tombe toujours ! Elles lapident mes mains, elles criblent mes cheveux ! - En voilà d inouïes qui descendent des voûtes comme des violettes de miracle ! Pourpres, lilas [14] et mauves ! Plongez-y donc les bras, couvrez en votre front, j en remplirai ma mante... ARIANE Ce sont de nobles améthystes. - Ouvre la deuxième porte. LA NOURRICE La deuxième? -Je n ose... et pourtant je voudrais savoir si... Elle met une clef à la serrure. Prenez garde ! - La clef tourne déjà ! Les battants ont des ailes, les parois se déchirent ! - Oh ! - Même scène qu à la première porte, mais cette fois c est l accumulation, l irruption rebondissante et l éblouissement sonore et bleuissant d une pluie de saphirs. ARIANE Ce sont de beaux saphirs. - Ouvre la troisième porte. LA NOURRICE Attendez que j aie vu, que j aie pris les plus beaux! - Ma mante va crever sous le poids du ciel bleu ! - Regardez, ils débordent, ils coulent de tous côtés. - A droite un torrent violet, à gauche un jet d azur!... ARIANE Va, nourrice, hâte-toi, l occasion de pécher est rare et fugitive. LA NOURRICE Eue ouvre la troisième porte. - Même jeu, mais cette fois c est l entassement pâle, le ruissellement laiteux, plus menu mais plus innombrable d un déluge de perles. J en recueille une poignée pour qu elles caressent les saphirs... ARIANE Ouvre la quatrième. LA NOURRICE Elle ouvre la quatrième porte. - Même jeu. - Ruissellements d émeraudes. [15] Oh ! celles-ci sont plus vertes que le printemps qui naît le long des peupliers dans les gouttes de rosée du beau soleil de mon village !... Secouant sa mante d où ruissellent les améthystes, les saphirs et les perles. Allez-vous-en, les autres ! faites place aux plus belles ! Je suis née sous les arbres dans la clarté des feuilles!... ARIANE Ouvre la cinquième porte. LA NOURRICE Quoi, pas même celles-ci? Vous ne les aimez pas? ARIANE Ce que j aime est plus beau que les plus belles pierres. LA NOURRICE Elle ouvre la cinquième porte. - Même jeu. - Irruption aveuglante, incandescente animée et cascade tragique de rubis. Celles-ci sont terribles, et je n y touche point. ARIANE Nous approchons du but, car voici la menace. - Ouvre la dernière porte. LA NOURRICE C est la dernière clef. - Si déjà le sang coule sous la porte permise, quelle est l horreur qui veille sur le seuil interdit? ARIANE Ouvre vite. LA NOURRICE Hésitante, elle ouvre la sixième porte. - Même jeu. - Mais cette fois l irradiation est intolérable. - Ce sont des cataractes d énormes et purs diamants qui se précipitent dans la salle; des millions d étincelles, de rayons, de feuxcroisés, d irisations \f0 se rencontrent, se multiplient, s étalent et s exaspèrent. Ariane déconcertée pousse un cri d éblouissement. Elle se penche, ramasse un diadème, une rivière, des poignées de splendeurs [16] qui éclatent et en pare, au hasard, ses cheveux, ses bras, sa gorge et ses mains. ARIANE Tandis qu elle fait resplendir sous ses yeux et élève devant eue les diamants qui l illuminent. Ô mes clairs diamants ! Je ne vous cherchais pas, mais je vous salue sur ma route ! Immortelle rosée de lumière ! Ruisselez sur mes mains, illuminez mes bras, éblouissez ma chair ! Vous êtes purs, infatigables et ne mourrez jamais, et ce qui s agite en vos feux, comme un peuple d esprit qui sème des étoiles, c est la passion de la clarté qui a tout pénétré, ne se repose pas, et n a plus rien à vaincre qu elle-même !... S approchant de la porte ouverte et regardant sous la voûte. Pleuvez, pleuvez encore, entrailles de l été, exploits de la lumière et conscience innombrable des flammes ! Vous blesserez mes yeux sans lasser mes regards!... Se penchant davantage. - Mais que voisje, nourrice ? Nourrice, où donc es-tu ? La pluie magnifique se déchire et demeure en suspens au-dessus d un arceau qu elle éclaire ! - Voilà la septième porte avec ses gonds, ses barres et sa serrure d or!... LA NOURRICE Venez, n y touchez pas. Retenez vos mains et vos yeux de crainte qu elle ne s ouvre... Venez donc, cachons-nous... Après les diamants, c est la flamme ou la mort... ARIANE Oui, retire-toi, Nourrice. Cache-toi derrière ces colonnes de marbre. Je veux y aller seule. Elle entre sous la voûte, met la clef dans la serrure; la porte se divise, rien ne paraît qu une ouverture pleine d ombre, mais un chant étouffé et lointain s élève des profondeurs de la terre et se répand dans la salle. LA NOURRICE Ariane, que faites-vous? - Est-ce vous qui chantez? [17] ARIANE Écoute. LE CHANT étouffé Les cinq filles d Orlamonde (La fée noire est morte) Les cinq filles d Orlamonde Ont cherché les portes... LA NOURRICE Ce sont les autres femmes... ARIANE Oui. LA NOURRICE Refermez cette porte ! - Le chant remplit la salle, il se répand partout. ARIANE, essayant de refermer la porte Je ne peux pas... LE CHANT, plus sonore Ont allumé leurs cinq lampes, Ont ouvert les tours, Ont ouvert quatre cents salles Sans trouver le jour... LA NOURRICE II remonte, il redouble!... Poussons la première porte. - Aidez-moi... Elles essaient de refermer la porte qui cachait les diamants. - Elle résiste aussi ! LE CHANT, plus puissant Ont ouvert un puits sonore Descendant alors Et sur une porte close Trouvent une clef d or... [18] LA NOURRICE, affolée, entrant à son tour sous la voûte Taisez-vous ! Taisez-vous ! - Elles vont nous perdre aussi ! Étouffons cette voix ! - Étendant son manteau. - Mon manteau couvrira l ouverture... ARIANE Je vois des marches sous le seuil. Je vais descendre où l on m appelle... LE CHANT, de plus en plus puissant Voient l océan par les fentes Ont peur de mourir Et frappent à la porte close Sans oser l ouvrir... Sur les dernières paroles du chant, Barbe-Bleue entre dans la salle. H s arrête un instant et regarde. BARBE-BLEUE, s approchant Vous aussi... ARIANE Tressaille, se retourne, sort de la voûte, et, étincellante de diamants s avance vers Barbe-Bleue. Moi surtout. Je vous croyais plus forte et plus sage que vos sœurs... ARIANE Combien de temps ont-elles supporté la défense? BARBE-BLEUE Celles-ci quelques jours, celles-là quelques mois ; la dernière une année... ARIANE C est la dernière seule qu il eût fallu punir. [19] BARBE-BLEUE C était bien peu de chose ce que je demandais... ARIANE Vous leur demandiez plus que vous n aviez donné. BARBE-BLEUE Vous perdez le bonheur que je voulais pour vous. ARIANE Le bonheur que je veux ne peut vivre dans l ombre. BARBE-BLEUE Renoncez à savoir et je puis pardonner... ARIANE Je pourrai pardonner lorsque je saurai tout. BARBE-BLEUE, saisissant Ariane par le bras Venez ! ARIANE Où voulez-vous que j aille? BARBE-BLEUE Où je vous mènerai. ARIANE Non. Barbe-Bleue cherche à entraîner de force Ariane qui pousse un long cri de douleur. À ce cri répond d abord une sorte de rumeur sourde. La lutte entre Ariane et Barbe-Bleue continue un instant, et la Nourrice y mêle ses clameurs désespérées. Tout à coup, une pierre lancée du dehors brise une des fenêtres, on entend gronder et s agiter la foule. D autres pierres viennent tomber dans la salle. La nourrice court à la grande porte du fond, dont elle tire les verrous et soulève les barres. Une brusque poussée du dehors ébranle et entr ouvre cette porte et les paysans furieux mais hésitants se pressent sur le seuil. - Barbe-Bleue, délivrant [20] Ariane, tire son épée pour se préparer à la lutte. Mais Ariane, calme, s avance vers la foule. ARIANE Que voulez-vous? - II ne m a fait aucun mal. Elle écarte doucement les paysans et referme la porte avec soin, tandis que Barbe-Bleue, les yeux baissés, regarde la pointe de son épée. Rideau. [21] ACTE DEUXIÈME Au lever du rideau, la scène qui s éclairera tout à l heure et révélera une vaste salle souterraine dont les voûtes reposent sur de nombreux piliers, est plongée dans une obscurité presque complète. A l extrême droite, un étroit couloir voûté longe la salle souterraine où il débouche, vers le premier plan, par une sorte d ouverture latérale ou d arcade informe. Paraissent tout au fond de ce couloir, comme si elles descendaient les dernières marches d un escalier, Ariane et la nourrice. Ariane porte une lampe. LA NOURRICE Ecoutez ! La porte se referme avec un bruit terrible et les murailles tremblent... Je n ose plus marcher... Je reste ici... Nous ne reverrons pas la lumière du jour. ARIANE En avant, en avant. Ne crains rien. Il est blessé, il est vaincu, mais il l ignore encore... Il nous délivrera les larmes dans les yeux, mais il vaut mieux se délivrer soi-même. En attendant sa colère m accorde ce que son amour refusait, et nous allons savoir ce qui se cache ici... Elle s avance, la lampe haute, jusqu à l arcade latérale du couloir; s y penche et tâche de percer les ténèbres de la salle. Un objet indistinct semble arrêter ses regards. Elle se retourne vers la nourrice pour l appeler. Viens!... Qu y a-t-il au fond de cette grotte? - Vois-tu? - Cela ne bouge pas... Je crois qu elles sont ici, mais qu elles ne vivent plus... Elle entre dans la salle que sa lampe éclaire voûte par voûte. Où êtes-vous? - Silence. Qui êtes-vous? Une sorte de frémissement craintif et presque insaisissable lui répond. Elle fait encore un pas; les rayons de la lampe se projettent [22] plus avant, et on aperçoit, entassées dans l ombre des plus lointaines voûtes, cinq formes de femmes immobiles. ARIANE, d une voix étouffée Elles sont là!... Nourrice, nourrice, où es-tu? - La nourrice accourt. Ariane lui donne la lampe et fait en hésitant quelques pas vers le groupe. Mes sœurs... Le groupe tressaille. Elles vivent! - Me voici!... Elle court à elles, les bras ouverts, les enveloppe de ses mains incertaines, les embrasse, les étreint, les caresse en tâtonnant, dans une sorte d ivresse attendrie et convulsive, tandis que la nourrice, la lampe a la main, se tient un peu à l écart. Ah ! Je vous ai trouvées ! - Elles sont pleines de vie et pleines de douceur ! - J avais cru voir des mortes et je baise en pleurant des bouches adorables !... Vous n avez pas souffert? - Oh ! vos lèvres sont fraîches et vos joues sont semblables à celles des enfants... Et voici vos bras nus qui sont souples et chauds et vos poitrines rondes qui vivent sous leur voile!... Mais pourquoi tremblez-vous? -J embrasse des épaules et j enlace des hanches, je ne sais pas ce que je touche, j embrasse autour de moi des seins nus et des bouches... Et ces cheveux qui vous inondent!... Vous devez être belles!... Mes bras séparent des flots tièdes et mes mains sont perdues dans des boucles rebelles... Avez-vous mille chevelures?... Sont-elles noires, sont-elles blondes?... Je ne vois pas ce que je fais; j embrasse tout le monde et je cueille vos bras à la ronde!... Ah! c est la plus petite que j atteins la dernière... Ne tremble pas, ne tremble pas, je te tiens dans mes bras... Nourrice, nourrice que fais-tu là? -Je suis ici comme une mère qui tâtonne; et mes enfants attendent la lumière!... La nourrice s approche avec la lampe et le groupe s éclaire. Les captives apparaissent alors vêtues de haillons, les cheveux en désordre, k visage amaigri et les yeux effarés et éblouis. Ariane un instant étonnée, prend la lampe à son tour, pour les éclairer mieux et les regarder de plus près. ARIANE Oh! vous avez souffert!... Regardant autour d elle. Et qu elle est triste votre prison!... Il tombe sur mes mains de grandes gouttes froides [23] et la flamme de ma lampe tressaille à chaque instant... Que vous me regardez avec des yeux étranges !... Pourquoi reculez-vous quand je m approche ?... Avez-vous peur encore ?... Quelle est celle qui veut fuir?... N est-ce pas la plus jeune que je viens d embrasser?... Mon long baiser de sœur vous a-t-il fait du mal?... Venez donc, venez donc, craignez-vous la lumière?... Comment s appelle celle qui revient?... DEUX OU TROIS VOIX CRAINTIVES Sélysette... ARIANE Sélysette, tu souris?... C est le premier sourire que je rencontre ici - Oh ! tes grands yeux hésitent comme s ils voyaient la mort et pourtant c est la vie !... Et tes petits bras nus tremblent si tristement en attendant l amour... Viens, viens, les miens attendent, mais ils ne tremblent point. - L embrassant. - Depuis combien de jours es-tu dans ce tombeau?... SÉLYSETTE Nous comptons mal les jours. - Nous nous trompons souvent. -Mais je crois que j y suis depuis plus d une année... ARIANE Laquelle est entrée la première ? YGRAINE, s avançant plus pâle que les autres Moi. ARIANE II y a bien longtemps que vous n avez vu la lumière ?... YGRAINE Je n ouvrais pas les yeux tant que je pleurais seule... SÉLYSETTE, regardant fixement Ariane Oh ! que vous êtes belle ! Et comment a-t-il pu vous punir comme nous ? - Vous avez donc désobéi aussi ? [24] ARIANE J ai obéi plus vite ; mais à d autres lois que les siennes. SÉLYSETTE Pourquoi êtes-vous descendue? ARIANE Pour vous délivrer toutes... SÉLYSETTE Oh! oui, délivrez-nous!... Mais comment ferez-vous? ARIANE Vous n aurez qu à me suivre. - Que faisiez-vous ici? SÉLYSETTE On priait, on chantait, on pleurait, et puis on attendait toujours... ARIANE Et vous ne cherchiez pas à fuir ? SÉLYSETTE On ne pourrait pas fuir; car tout est bien fermé, et puis c est défendu. ARIANE C est ce que nous verrons... Mais celle qui me regarde à travers ses cheveux qui semblent l entourer de flammes immobiles, comment la nomme-t-on? SÉLYSETTE Mélisande. ARIANE Viens aussi Mélisande. - Et celle dont les grands yeux suivent avidement la lumière de ma lampe ? SÉLYSETTE Bellangère. [25] ARIANE Et l autre qui se cache derrière le gros pilier? SÉLYSETTE Elle est venue de loin, c est la pauvre Alladine. ARIANE Pourquoi dis-tu « la pauvre » ? SÉLYSETTE Elle est descendue la dernière et ne parle pas notre langue. ARIANE, tendant les bras à Alladine Alladine ! - Alladine accourt et l enlace en étouffant un sanglot. Tu vois bien que je parle la sienne quand je l embrasse ainsi... SÉLYSETTE Elle n a pas encore cessé de pleurer... ARIANE, regardant avec étonnement Sélysette et les autres femmes Mais toi-même, tu ne ris pas encore? Et les autres se taisent. Qu est-ce donc ? Allez-vous vivre ainsi dans la terreur ? Vous souriez à peine en suivant tous mes gestes de vos yeux incrédules. - Vous ne voulez pas croire à la bonne nouvelle ? - Vous ne regrettez pas la lumière du jour, les oiseaux dans les arbres et les grands jardins verts qui fleurissent là-haut? Vous ne savez donc pas que nous sommes au printemps ? - Hier matin je marchais par les routes, je buvais des rayons, de l espace, de l aurore... Il naissait tant de fleurs sous chacun de mes pas que je ne savais où poser mes pieds aveugles... Avez-vous oublié le soleil, la rosée dans les feuilles, le sourire de la mer? - Elle riait tout à l heure, comme elle rit aux jours où elle se sent heureuse, et ses mille petites vagues m apj prouvaient en chantant sur des plages de lumière... A ce moment, une des gouttes d eau qui suintent sans interruption du haut des voûtes, tombe sur la flamme de la lampe qu Ariane tendait devant elle en se tournant vers la porte; et brusquement l éteint dans un dernier tressaillement de la lumière. La nourrice pousse un cri de terreur; et Ariane s arrête, déconcertée. [26] ARIANE, dans les ténèbres Où êtes-vous?... SÉLYSETTE Ici, prenez ma main, ne vous éloignez pas ; il y a de ce côté une eau dormante et très profonde... ARIANE Vous y voyez encore ? SÉLYSETTE Oui, nous avons vécu longtemps dans cette obscurité... BELLANGÈRE Venez ici; il y fait bien plus clair... SÉLYSETTE Oui, menons-la dans la clarté. ARIANE II y a donc une clarté dans les plus profondes ténèbres? SÉLYSETTE Mais oui, il y en a une!... n apercevez-vous pas la grande lueur pâle qui éclaire tout le fond de la dernière voûte? ARIANE J entrevois en effet une pâle lueur qui grandit... SÉLYSETTE Mais non, ce sont tes yeux, tes beaux yeux étonnés qui grandissent... ARIANE D où vient-ettè ? SÉLYSETTE Nous ne le savons pas. [27] ARIANE Mais il faut savoir!... Elle va vers le fond de la scène et promène à tâtons les mains sur la muraille. Ici c est la muraille... Ici encore... Mais plus haut, ce ne sont plus des pierres !... Aidez-moi à monter sur ce quartier de roc... Elle y monte, soutenue par les femmes. La voûte est en forme d ogive... Continuant de tâter la paroi. Mais ce sont des verrous!... Je sens des barres de fer et des verrous énormes. - Avez-vous essayé de les pousser?... SÉLYSETTE Non, non n y touchez pas, on dit que c est la mer qui baigne les murailles!... Les grandes vagues vont entrer!... MÉLISANDE C est à cause de la mer que la lueur est verte!... YGRAINE Nous l avons entendue bien des fois, prenez garde!... MÉLISANDE Oh! je vois l eau qui tremble au-dessus de nos têtes!... ARIANE Non, non, c est la lumière qui vous cherche!... BELLANGÈRE Elle essaye de l ouvrir!... Les femmes épouvantées reculent et se cachent derrière un pilier d où elles suivent de leurs yeux agrandis, tous les mouvements d Ariane. ARIANE Mes pauvres, pauvres sœurs! Pourquoi voulez-vous donc qu on vous délivre si vous adorez vos ténèbres ; et pourquoi pleuriez-vous si vous étiez heureuses?... Oh! les barres se soulèvent; les battants vont s ouvrir!... attendez!... Les lourds battants d une sorte de vaste volet intérieur se séparmt en effet, tandis qu elle parle encan, mais seule, une lueur [28] très pâle presque sombre et diffuse, éclaire l ouverture arrondie de la voûte. ARIANE, continuant sa recherche Ah ! ce n est pas encore la clarté véritable !... Qu y a-t-il sous mes mains?... Est-ce du verre, est-ce du marbre?... On dirait un vitrail qu on a couvert de nuit... Mes ongles sont brisés... Où sont-elles, vos quenouilles?... Sélysette, Mélisande, une quenouille, une pierre !... Un seul de ces cailloux qui sont là par milliers sur le sol !... Sélysette accourt tenant une pierre et la lui donne. Voici la clef de votre aurore!... Elle donne un grand coup dans la vitre; un des carreaux éclate, et une large étoile éblouissante jaillit dans les ténèbres. Les femmes poussent un cri de terreur presque radieux; et Ariane ne se possédant plus, et tout inondée d une lumière de plus en plus intolérable, brise à grands chocs précipités, toutes les autres vitres dans une sorte de délire triomphant. ARIANE Voilà, celle-ci encore et encore celle-ci!... La petite et la grande et la dernière aussi !... Toute la fenêtre croule et les flammes refoulent mes mains et mes cheveux !... Je n y vois plus, je ne peux plus ouvrir les yeux!... N approchez pas encore, les rayons semblent ivres!... Je ne peux plus me redresser; je vois, les yeux fermés, les longues pierreries qui fouettent mes paupières!... Je ne sais pas ce qui m assaille... Est-ce le ciel, est-ce la mer? Est-ce le vent ou la lumière? Toute ma chevelure est un ruisseau d éclairs!... Je suis couverte de merveilles!... Je ne vois rien et j entends tout. Des milliers de rayons accablent mes oreilles, je ne sais où cacher mes yeux, mes deux mains n ont plus d ombre, mes paupières m éblouissent et mes bras qui les couvrent, les couvrent de lumière!... Où êtes-vous? Venez toutes, je ne peux plus descendre !...Je ne sais où poser mes pieds dans les vagues de feu qui soulèvent ma robe, je vais tomber dans vos ténèbres!... A ces cris, Sélysette et Mélisande sortent de l ombre où elles s étaient réfugiées, et, les mains sur les yeux, comme pour traverser des flammes, courent à la fenêtre et tâtonnant dans la lumière, montent sur la pierre aux côtés d Ariane. - Les autres femmes les suivent, les imitent; et toutes se pressent ainsi dans [29] l aveuglante nappe de clarté qui les force à baisser la tête. Il y a alors un instant de silence ébloui, durant lequel on entend au dehors le murmure de la mer, les caresses du vent dans les arbres, le chant des oiseaux, et les clochettes d un troupeau qui passe au loin dans la campagne. SÉLYSETTE Je vois la mer!... MÉLISANDE Et moi je vois le ciel !... Couvrant ses yeux de son coude. Oh ! non, on ne peut pas!... ARIANE Mes yeux s apaisent sous mes mains... Où sommes-nous?... BELLANGÈRE Je ne veux regarder que les arbres... Où sont-ils?... YGRAINE Oh ! la campagne est verte !... ARIANE Nous sommes aux flancs du roc. MÉLISANDE Le village est là-bas... Voyez-vous le village?... BELLANGÈRE On ne peut y descendre; nous sommes entourées d eau, et les ponts sont levés... SÉLYSETTE Où sont les hommes?... MÉLISANDE Là-bas, là-bas... un paysan!... [30] SÉLYSETTE II nous a vues, il nous regarde... Je vais lui faire signe... Elle agite sa longue chevelure. Il a vu mes cheveux ; il ôte son bonnet. Il fait le signe de la croix... MÉLISANDE Une cloche! Une cloche!... Comptant les coups. Sept, huit, neuf... MÉLISANDE Dix, onze, douze... MÉLISANDE II est midi. YGRAINE Qui est-ce qui chante ainsi?... MÉLISANDE Mais ce sont les oiseaux... Les vois-tu? Ils sont là des milliers dans les grands peupliers, le long de la rivière... SÉLYSETTE Oh! tu es pâle, Mélisande!... MÉLISANDE Toi aussi tu es pâle... ne me regarde pas... SÉLYSETTE Ta robe est en lambeaux, on te voit au travers... MÉLISANDE Toi aussi, tes seins nus séparent tes cheveux... ne me regarde pas... BELLANGÈRE Que nos cheveux sont longs!... YGRAINE Que nos faces sont pâles!... i [31] BELLANGÈRE Et nos mains transparentes!... MÉLISANDE Alladine sanglote... SÉLYSETTE Je l embrasse, je l embrasse... ARIANE Oui, oui, embrassez-vous, ne vous regardez pas encore... Surtout, n attendez pas que la lumière vous attriste... Profitez de l ivresse pour sortir de la tombe... Un escalier de pierre descend au flanc du roc. - Je ne sais où il mène, mais il est lumineux et le vent du large l assaille... Venez toutes, venez toutes, des milliers de rayons dansent aux creux des vagues... Elle sort par l ouverture et disparaît dans la lumière. SÉLYSETTE, la suivant et entraînant les autres femmes Oui, oui, venez, venez, mes pauvres sœurs heureuses. Dansons, dansons aussi la ronde de la lumière... Toutes se hissent sur la pierre et disparaissent en chantant et en dansant dans la clarté. Les cinq filles d Orlamonde (La fée noire est morte) Les cinq filles d Orlamonde Ont trouvé les portes!... Rideau. [32] ACTE TROISIÈME La même salle qu au premier acte. Les pierreries éparses scintillent encore dans les niches de marbre et sur les dalles. Entre les colonnes de porphyre des coffres ouverts débordent de vêtements précieux. H fait nuit dehors; mais sous les lustres allumés, Sélysette, Mélisande, Ygraine, Bellangère et Alladine, debout devant de grands miroirs achèvent de nouer leur chevelure, d ajuster les plis de leurs robes étincelantes, de se parer de fleurs et de bijoux, tandis qu Ariane, allant de l une à l autre, les aide et les conseille. Les fenêtres sont ouvertes. SÉLYSETTE Nous n avons pu sortir du château enchanté. Il est si beau que je l aurais pleuré... Qu en dis-tu, Ariane? - C était étrange. Les ponts se relevaient d eux-mêmes et l eau montait dans les fossés dès qu on s en approchait... Mais qu importe à présent puisqu on ne le voit plus... Il est parti... Embrassant Ariane. Et nous serons heureuses tant que tu seras parmi nous. MÉLISANDE Où est-il allé? ARIANE Je l ignore comme vous. Il est parti, troublé peut-être, déconcerté sans doute, pour la première fois... Ou bien la colère des paysans l inquiétait. Il a senti la haine déborder de toutes parts, et qui sait s il n est pas allé chercher du secours, des soldats et des gardes, pour châtier les rebelles et revenir en maître... A moins que sa conscience ou une autre force n ait parlé... SÉLYSETTE Tu ne t en iras pas? ARIANE Comment veux-tu que je m en aille puisque les fossés sont pleins d eau, les ponts levés, les murs inaccessibles et les portes fermées. On ne voit personne qui les garde ; et pourtant le château n est pas [33] abandonné. On observe tous nos pas, il doit avoir donné des ordres mystérieux. Mais tout autour des murs les paysans se cachent et je sens qu ils veillent sur nous. En attendant, mes sœurs, l événement s apprête, et il faut être belles. S approchant de Mélisande. Est-ce ainsi que tu t y prépares, Mélisande? - Ta chevelure est le plus beau miracle que j aie vu; elle éclairait là-bas l ombre du souterrain et sourirait encore dans la nuit d un tombeau, et tu te plais à en éteindre chaque flamme !... Attends, c est encore moi qui vais délivrer la lumière. Elle arrache le voile, dénoue les tresses et toute la chevelure de Mélisande s étale brusquement et resplendit sur ses épaules. SÉLYSETTE, se retournant pour contempler Mélisande Oh! d où cela vient-il? ARIANE Cela vient d elle-même et se cachait en elle. - Mais toi-même, qu as-tu fait? Où caches-tu tes bras divins? SÉLYSETTE Mais ici, dans mes manches d orfroi... ARIANE Je ne les vois plus... Je les admirais tout à l heure, tandis que tu nouais ta chevelure... Ils semblaient s élever pour appeler l amour, et mes yeux attendris caressaient tous leurs gestes... Je me retourne et ne retrouve que leur ombre. Dénouant les manches. Et voilà deux rayons de bonheur que je délivre encore!... SÉLYSETTE Oh! mes pauvres bras nus... Ils vont trembler de froid... ARIANE Mais non, puisqu ils sont adorables... Allant à Bellangère. Où es-tu Bellangère ? - II y avait à l instant, au fond de ce miroir, des épaules, [34] une gorge qui le remplissaient tout entier d une lueur suave... Il faut que je délivre tout... Et toutes ces pierreries qui brillent à vos pieds, ont-elles été créées pour mourir sur les dalles ou pour se rallumer à la chaleur des seins, des bras, des chevelures ? Elle ramasse à pleines mains les pierres précieuses et les répand sur ses compagnes. Vraiment, mes jeunes sœurs, je ne m étonne plus qu il ne vous aimât point autant qu il eût fallu, et qu il voulût cent femmes. Il n en avait aucune... Enlevant le manteau que Bellangère a mis sur ses épaules. Voilà deux sources de beauté qui se perdaient dans les ténèbres... Surtout, n ayons pas peur, nous n aurons rien à craindre si nous sommes très belles... Entre par une porte latérale, la nourrice, hagarde échevelée. LA NOURRICE II revient ! Il est là ! Mouvement d effroi des femmes. ARIANE Qui te l a dit? LA NOURRICE Un des gardes. Il vous a vue. Il vous admire. ARIANE Mais je n ai vu personne... LA NOURRICE Ils se cachaient. Ils suivaient tous nos gestes... C est le plus jeune qui a parlé. Il m a dit que le maître revient... Il fait le tour des , murs... Les paysans le savent. Ils sont armés... Ils se révoltent... Tout , le village est caché dans les haies... Ils l attendent... Montant par l escalier latéral à l une des fenêtres du fond. Je vois des torches dans le bois !... Les femmes affolées poussent un cri de terreur et courent autour j de la salle pour chercher une issue. SÉLYSETTE, montant également aux fenêtres C est son carrosse, son carrosse de noce!... Il s arrête!... [35] Toutes s élancent aux fenêtres, se pressent dans le balcon intérieur, et regardent dans la nuit. MÉLISANDE C est lui!... Je le reconnais... Il descend... Il fait des gestes de colère... SÉLYSETTE II est entouré de ses nègres... MÉLISANDE Ils ont des épées nues qui brillent au clair de lune!... SÉLYSETTE, se réfugiant dans les bras d Ariane Ariane ! Ariane !... J ai peur !... LA NOURRICE Voilà les paysans qui sortent des fossés... Il y en a!... Il y en a!... Ils ont des fourches et des faux!... SÉLYSETTE Ils vont se battre!... Rumeurs, cris, tumultes, bruits d armes au dehors, dans le lointain. MÉLISANDE Ils se battent!... YGRAINE Un des nègres est tombé!... LA NOURRICE Oh! les paysans sont terribles!... Tout le village est là!... Ils ont d énormes faux!... MÉLISANDE Les nègres l abandonnent!... Voyez, voyez, ils fuient!... Ils se cachent dans les bois... [36] YGRAINE Lui aussi prend la fuite... Il court, il s approche de l enceinte... LA NOURRICE Les paysans le suivent!... SÉLYSETTE Mais ils vont le tuer ! LA NOURRICE On vient à son secours... Les gardes ont ouvert la porte de l enceinte... Ils courent à sa rencontre... SÉLYSETTE Un, deux, trois, quatre, six, sept... Mais ils ne sont que sept!... LA NOURRICE Les paysans les enveloppent... Il y en a des centaines! MÉLISANDE Que font-ils?... LA NOURRICE Je vois les paysans qui dansent autour d un homme... Les autres sont tombés... MÉLISANDE C est lui; j ai vu son manteau bleu... Il est couché sur l herbe... LA NOURRICE Ils se taisent... Ils le relèvent... MÉLISANDE Est-il blessé ?... YGRAINE II chancelle... [37] SÉLYSETTE J ai vu le sang... Il saigne... Ariane !... ARIANE Viens, ne regarde pas... cache ta tête dans mes bras... LA NOURRICE Ils apportent des cordes... Il se débat... Ils lui lient les bras et les jambes... MÉLISANDE Où vont-ils? Ils le portent... Ils dansent en chantant... LA NOURRICE Ils s en viennent vers nous... Les voilà sur le pont... La porte est grande ouverte... Ils s arrêtent... Oh ! ils vont le jeter dans le fossé... ARIANE, et les autres femmes, affolées, criant et s agitant désespérément aux fenêtres Non ! non !... Au secours !... Ne le tuez pas !... Au secours !... Non ! non!... Pas cela!... Pas cela!... LA NOURRICE Ils n entendent pas... Mais les autres les poussent... ARIANE II est sauvé !... LA NOURRICE Ils vont entrer... Ils sont devant les portes de la cour... Cris de la foule qui a vu les femmes aux fenêtres Ouvrez ! Ouvrez ! Puis chants Ouvrez-lui la porte Pour l amour de Dieu. Sa chandelle est morte, II n a plus de feu... [38] LA NOURRICE et les autres femmes, parlant à la foule Nous ne pouvons pas... Elle est fermée... Ils la brisent... Elle cède!... Ecoutez... Ils entrent tous... Ils montent le perron... Prenons garde, ils sont ivres... ARIANE Je vais ouvrir la porte de la salle... LES FEMMES, la suppliant, affolées Non, non!... Ariane! Ils sont ivres... Prenez garde, ils approchent!... ARIANE Ne craignez rien, ne vous avancez pas, j irai seule... Les cinq femmes descendent l escalier qui conduit aux fenêtres, reculent vers le fond de la salle, et s y tiennent êtroitement groupées dans l attitude de l attente terrifiée. Ariane suivie de la nourrice, se dirige vers la porte qu elle ouvre à deux battants. On entend un bruit défoule qui monte l escalier, des hurlements, des chants, des rires, dans la clarté rouge des torches. - Enfin, les premiers hommes de la foule paraissent dans l encadrement de la porte qu ils remplissent tout entier, mais sans franchir le seuil. Ce sont des paysans, les uns farouches, les autres réjouis ou intimidés. Leurs vêtements, par suite de la lutte, sont déchirés et en désordre. Ils portent Barbe-Bleue solidement garrotté, et s arrêtent un moment, ahuris, à la vue d Ariane qui se dresse devant eux, grave, calme et royale. Tandis que vers le fond, parmi les paysans qui remplissent l escalier, et ne voient point ce qui se passe, les poussées, les hurlements, les rires continuent un moment puis s éteignent en chuchotements respectueux et intrigués. - À l instant où la foule a envahi la porte, les cinq femmes sont tombées instinctivement et silencieusement à genoux au fond de la salle. UN VIEUX PAYSAN, ôtant son bonnet, et le roulant d un air gêné Madame?... On peut entrer?... UN DES PAYSANS QUI PORTENT BARBE-BLEUE Nous vous apportons le paquet. [39] UN AUTRE II ne vous fera plus grand mal. PREMIER PAYSAN Où voulez-vous qu on vous le range ? UN AUTRE Posons-le dans ce coin. TROISIÈME PAYSAN Soulevez le tapis; il est couvert de boue; il vous salira vos affaires... Ils déposent Barbe-Bleue. Là, voilà. Il ne grouillera plus. Le bonhomme a son compte ; il nous a donné bien du mal... AUTRE PAYSAN Avez-vous ce qu il faut pour le tuer? ARIANE Oui, oui; soyez sans crainte... LE PAYSAN Voulez-vous qu on vous aide ? ARIANE Ce n est pas nécessaire ; nous en viendrons à bout... TROISIÈME PAYSAN Surtout prenez bien garde qu il ne s échappe... Découvrant sa poitrine. Voyez ce qu il m a fait... UN AUTRE Et moi, voyez mon bras... C est entré par ici et c est sorti par là... ARIANE Vous êtes des héros; vous êtes nos sauveurs... Laissez-nous un [40] moment; nous nous vengerons bien... Laissez-nous; il est tard; vous reviendrez demain... Retournez au village ; et soignez vos blessures... UN VIEUX PAYSAN Bien, bien; on sait ce qu il faut faire... Madame, c est pas pour dire... Mais vous étiez trop belle... Adieu, adieu... ARIANE, fermant la porte Adieu, adieu ; vous nous avez sauvées... Elle se retourne et voit les six \f0 femmes à genoux^ au fond de la salle. Vous étiez à genoux!... S approchant de Barbe-Bleue. Êtes-vous blessé?... Oui; le sang coule ici... Une bléssure au cou... Ce n est rien, la plaie n est pas profonde. Une au bras... Les blessures au bras ne sont jamais bien graves... Ah! celle-ci !... Le sang ruisselle encore... La main est transpercée... Il faut la panser tout d abord... Pendant qu Ariane parle ainsi, les six femmes se sont rapprochées, une à une, sans rien dire, et, penchées ou agenouillées entourent Barbe-Bleue. SÉLYSETTE II a ouvert les yeux... MÉLISANDE Qu il est pâle!... Il doit avoir souffert... SÉLYSETTE Oh! ces paysans sont horribles!... ARIANE Apportez-moi de l eau pour laver ses blessures. LA NOURRICE Oui, je vais en chercher... ARIANE Avez-vous des linges très doux?... MÉLISANDE Voici mon voile blanc... [41] SÉLYSETTE II étouffe, voulez-vous que je lui soutienne la tête ? MÉLISANDE Attends, je vais t aider... SÉLYSETTE Non; Alladine m aide... Alladine l aide en effet à soulever la tête de Barbe-Bleue à qui elle donne en sanglotant un baiser jùrtif sur le front. MÉLISANDE Alladine, que fais-tu?... Doucement, doucement, tu rouvrirais ses plaies... SÉLYSETTE Oh! son front est brûlant!... MÉLISANDE II a coupé sa barbe;... il n est plus si terrible... SÉLYSETTE Avez-vous un peu d eau !... Son visage est couvert de poussière et de sang... YGRAINE II respire avec peine... ARIANE Ce sont ses liens qui l étouffent... Ils ont serré les cordes à broyer un rocher... Avez-vous une dague? LA NOURRICE II y en avait deux sur cette table... Voici la plus aiguë... Effrayée. Vous allez?... ARIANE Oui. [42] LA NOURRICE Mais il n est pas... Voyez, il nous regarde... ARIANE Soulevez bien la corde que je ne le blesse point... Elle coupe un à un les liens qui enserrent Barbe-Bleue. Quand elle arrive à ceux qui lui maintiennent les bras derrière le dos, la nourrice lui saisit les mains pour l arrêter. LA NOURRICE Attendez qu il parle... Nous ne savons pas encore si... ARIANE Avez-vous un autre poignard? La lame s est brisée... ces cordes sont très dures... MÉLISANDE, lui tendant l autre poignard Voici l autre... ARIANE Merci. Elle tranche les derniers liens. Un silence durant lequel on entend les respirations anxieuses. Quand Barbe-Bleue se sent libre, il se dresse lentement sur son séant, étire ses bras engourdis, remue les mains, regarde attentivement chaque femme, en silence; puis il se met debout en s appuyant au mur et demeure immobile, examinant sa main blessée. ARIANE, s approchant de lui Adieu. Elle lui donne un baiser sur le front. Barbe-Bleue fait un mouvement instinctif pour la retenir. Elle se dégage doucement et se dirige vers la porte, suivie de la nourrice. SÉLYSETTE, s élançant après elle et l arrêtant Ariane!... Ariane!... Où vas-tu?... [43] ARIANE Loin d ici; ... là-bas, où l on m attend encore... M accompagnes-tu, Sélysette?... SÉLYSETTE Quand reviens-tu? ARIANE Je ne reviendrai pas... MÉLISANDE Ariane!... ARIANE M accompagnes-tu, Mélisande?... Mélisande regarde tour à tour Barbe-Bleue et Ariane, et ne répond point. ARIANE Vois, la porte est ouverte et la campagne est bleue... Ne viens-tu pas, Ygraine ? Ygraine ne tourne pas la tête. La lune et les étoiles éclairent toutes les routes ; et l aurore se penche aux voûtes de l azur, pour nous montrer un monde inondé d espérance... Venez-vous, Bellangère ? BELLANGÈRE, sèchement Non. ARIANE Je m en irai seule, Alladine ?... A ces mots, Alladine court à Ariane, se jette dans ses bras et, parmi des sanglots convulsifs, la tient longuement et fiévreusement enlacée. ARIANE, l embrassant à son tour, et se dégageant doucement tout en larmes Reste aussi, Alladine... Adieu, soyez heureuses... [44] Elle sort précipitamment; suivie de la nourrice. Les femmes se regardent, puis regardent Barbe-Bleue qui relève lentement la tête. Bellangère et Ygraine haussent les épaules et vont fermer la porte. - Un silence. La toile tombe. (libretto Maurice Maeterlinck) Dukas,Paul/Ariane et Barbe-Bleue
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ACTE DEUXIÈME Premier tableau (Une rue à Burgos. La nuit. Peu de lune. A droite le palais du Comte. A gauche une lampe allumée devant une madone.) RIDEAU ▼RODRIGUE▲ (Rodrigue s avance lentement.) Percé jusques au fond du coeur D une atteinte imprévue aussi bien que mortelle. Par l injuste rigueur d une juste querelle Je deviens la victime, en étant le vengeur! O Dieu l étrange peine, Si près de voir l amour récompensé! En cet affront mon père est l offensé… Et l offenseur, le père de Chimène! (Il fait un mouvement pour s éloigner. Revenant) Non! Je dois tout à mon père avant qu à ma maîtresse. Que je meure au combat, ou meure de tristesse Je rendrai mon sang pur comme je l ai reçu! Ah! Qu importe ma peine, ma peine! C est trop déjà d avoir tant balancé! Puisqu aujourd hui mon père est l offensé et l offenseur est le père de Chimène! (Il s élance vers la porte du palais. A ce moment le Comte paraît sur le seuil) ▼RODRIGUE▲ (très ferme et très décidé) A moi, Comte, deux mots. ▼LE COMTE▲ Parle!. ▼RODRIGUE▲ Ote-moi d un doute. Connais-tu bien Don Diègue? ▼LE COMTE▲ Oui. ▼RODRIGUE▲ (sans retenir) Parlons bas; écoute Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu, La vaillance et l honneur de son temps? Le sais-tu? ▼LE COMTE▲ Peut-être ▼RODRIGUE▲ (sombre) Cette ardeur que dans les yeux je porte. Je l ai prise en son coeur et son sang est le mien! Comte, le sais-tu bien? ▼LE COMTE▲ Que m importe? ▼RODRIGUE▲ A quarter pas d ici je te le fais savoir! ▼LE COMTE▲ Jeune présomptueux! ▼RODRIGUE▲ Par le sans t émouvoir! (très ferme et fièrement) Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées La valeur n attend pas le nombre des années! J attaque en téméraire un bras toujours vainqueur! Oui, tout autre que moi Pourrait trembler d effroi! J attaque en téméraire Un bras toujours vainqueur Mais, j aurai trop de force ayant assez de coeur, Car je venge mon père! ▼LE COMTE▲ Te mesurer à moi! Je tremblerais pour toi! Va, sois moins téméraire! Dispense me valeur d un combat inégal et pour moi sans honneur. Téméraire! Je tremble pour toi! Crains sans honneur (tirant son épée) ▼ENSEMBLE▲ Allons! Allons! L épée en main! (ils se battent) ▼LE COMTE▲ (Après un engagement) Ah! Ton bras est fort comme ton âme est fière ▼RODRIGUE▲ Mes pareils `à deux fois en se font pas connaître… Et pour leurs coups d essai… (Transperçant le Comte) Veulent des coups de maître! ▼LE COMTE▲ (Tombant) Ah! ▼RODRIGUE▲ (Se précipitant sur le corps du Comte) Dieu du ciel! Qu ai-je fait? Je n ai plus qu a mourir! (Divers groupes accourant à la hâte de plusieurs côtés à la fois) ▼PREMIERS GROUPES▲ Un combat! Que s est-il passé? Regardez! là! Le Comte! notre maître! mortellement blessé! ▼AUTRES GROUPES▲ (Accourant) Qu est-ce donc? que s est-il passé? Il respire encore peut être? Non! Son coeur est déjà glacé! ▼DON DIÈGUE▲ (est accouru, accompagné de ses amis.) Gormaz n est plus! (se retournant aux amis) Amis, dont le courage S offrait à venger mon outrage, Vous le voyez mon fils vous avait devancés! (allant vers Rodrigue, les bras ouverts) Rodrigue! mes affronts par toi, sont effacés! Je t ai donné la vie et tu me rends la gloire! (Des valets emportent le corps du Comte dans son palais. Une partie de la foule les suit) ▼RODRIGUE▲ (à son père; avec une douleur encore contenue) Quand vous revient l honneur ravi Je ne me repens point de vous avoir servi… ▼DON DIÈGUE▲ Ô mon fils…! ▼RODRIGUE▲ Mais laissez moi pleurer ma cruelle victoire! ▼DON DIÈGUE▲ Ô mon cher fils…! ▼RODRIGUE▲ Pour vous j ai tout perdu… ▼DON DIÈGUE▲ (tendre) Ô mon fils…! ▼RODRIGUE▲ (en sanglotant) Ce que je vous devais je vous l ai bien rendu! (parait sur l escalier, pâle, échevelée) ▼CHIMÈNE▲ Mort! mort! Qui l a frappé? Ah! je le jure Par le ciel, par le sang de l horrible blessure, Celui-là… quel qu il soit je veux le frapper de ma main! ▼LE CHOEUR▲ (dans le palais du comte) Requiem dona ei sempiternam Domine. ▼CHIMÈNE▲ (avec des sanglots et comme se parlant à elle même) O mon père! Si grand! si glorieux et si bon! Ce matin comme avec de doux yeux il disait Mon enfant peut l aimer et me plaire! (A ces mots, Rodrigue se voile le visage avec ses mains) ▼LE CHOEUR▲ (dans le palais du comte ) Requiem dona ei sempiternam Domine. ▼CHIMÈNE▲ (avec un crie farouche) Non! pas d oubli… ni de pardon! (à la foule) Mais répondez-moi donc! il faut que l on me nomme Le meurtrier! (Silence général. Chimène va de l un à l autre; à l un des assistants avec anxiété.) C est toi? Non! tu l aimais! (à un autre) C est toi? peut-être? Ah! tu n aurais jamais eu ce courage! (à au autre) Toi? (avec une rage croissante) Dieu! Le nom de cet homme Qui m a pris mon bonheur, mon orgueil, mon appui! Parlez! parlez! (Elle arrive devant Rodrigue et pousse un cri en le voyant si pâle et si accablé; elle a tout compris. Avec horreur.) Ah! Ciel! lui! Rodrigue! C est lui! (Elle tombe évanouie; sans voix) lui! ▼LE CHOEUR▲ (dans le palais) Requiem dona ei sempiternam Domine. (Le rideau tombe lentement pendant que l on entend encore dans l intérieur du palais le chant religieux) Deuxième Tableau (Le grande place de Burgos. A gauche, le palais du Roi. Journée de printemps. Clair soleil - Danses populaires - Foule. Tableau très animé dès le lever du Rideau. L Infante paraît et va de groupe en groupe, suivie de moines et de jeunes filles portant des corbeilles et des aumônières) RIDEAU ▼L INFANTE▲ (à un groupe de vieillards et d enfants) Plus de tourments et plus de peine Au jour attendu si longtemps! Le printemps sans la joie humaine Serait-il encore le printemps? (distribuant des aumônes) Prenez, c est Dieu qui vous le donne, Alléluia! Dieu jamais ne nous abandonne Quand jamais on ne l oublia! Alléluia! ▼LES JEUNES FILLES et LES MOINES▲ Alléluia! (Un groupe de fiancés s approche de l Infanta) ▼L INFANTE▲ (aux fiancés) Allez en paix, vous que l on aime, Allez, en vous donnant la main! N avez-vous pas le bien suprême Que d autres coeurs cherchent en vain? L amour, c est Dieu qui nous le donne! Alléluia! Gardez ce trésor qui rayonne Et que le ciel vous confia! Alléluia! ▼LES JEUNES FILLES et LES MOINES▲ Alléluia! Alléluia! (L Infanta s éloigne suivie des Moines. La place est envahie par des groupes joyeux.) ▼LA FOULE▲ Accourez! accourez! accourez! Accourez! Sages et fous, venez avec nous! venez! (Le Roi paraît sur le seuil du palais) (Ballet castillane, andalouse, aragonaise, aubade, catalane, madrilène, navarraise) ▼LA FOULE▲ Alza! Alza! Alza! Alza! ▼LA FOULE▲ (apercevant le Roi, le salue de ses cris de joie) Le Roi! le Roi! le Roi! Salut à notre maître, Au généreux et doux Seigneur! Salut! salut! salut! salut! (Le Roi descend les degrés du palais) ▼CHIMÈNE▲ (accourant éperdue) Justice! Justice! Justice! On a tué mon père! ▼LA FOULE▲ (Mouvement général de surprise et d horreur) Dieu! Dieu! ▼CHIMÈNE▲ Je me jette à vos pieds! j embrasse vos genoux! Sire! écoutez ma prière! Vengez ce noble sang qui fumait de courroux De se voir répandu pour d autres qui pour vous! ▼LA FOULE▲ Justice! ▼CHIMÈNE▲ J implore ta justice… O Roi! je la réclame! Il n a pas hésité, lui, pour briser mon âme! Ni pitié, ni pardon, jamais, pour cet infâme! ▼LE ROI▲ Et de qui faut-il donc que je tire vengeance? ▼CHIMÈNE▲ De Rodrigue! ▼LE ROI▲ (douloureusement) Rodrigue! Ah! j attendais ce nom! Il n est pas de ceux-là qui gardent une offense! ▼CHIMÈNE▲ Sire! Je l ai juré! Ni pitié! Ni pardon! (avec véhémence) Lorsque j irai dans l ombre. Aux plis d un voile sombre Cachant mon front terni. Faudra-t-il donc que je le voie Passer, ivre de joie Et d orgueil impuni? Ni pitié… ni pardon… Ô Roi! c est en toi que j espère! Frappe-le! Écoute ma prière Frappe-le! frappe-le! frappe-le! Il a tué mon père! ▼DON DIÈGUE▲ (qui a paru sur les dernières paroles de Chimène, s avançant la main posée sur l épaule de Rodrigue) Il a vengé le sien! ▼LE ROI▲ (à Don Diègue, avec calme) Vous, Don Diègue, parlez! ▼DON DIÈGUE▲ (sombre et amer) Qu on est digne d envie Lorsqu en perdant la force on perd aussi la vie! Je me vois aujourd hui, pour avoir trop vécu, Recevoir un affront et demeurer vaincu! Moi, dont les longs travaux ont acquis tant de gloire! Moi! que jadis partout a suivi la victoire! Rodrigue est mon fils! un fils digne de moi, Digne de son pays, et digne de son roi! Si Chimène se plaint qu il a tué son père… Il ne l eut jamais fait si je l eusse pu faire! Sire! Immolez donc celui que les ans vont ravir… Et conservez pour vous pour vous le bras qui peut servir! Satisfaites Chimène, Je consens à ma peine… Et loin de murmurer d un rigoureux décret Mourant sans déshonneur je mourrai sans regret! ▼CHIMÈNE▲ (implacable, avec énergie) Sire! mon père est mort! J en demande vengeance! ▼L INFANTE, DON DIÈGUE, AMIS DE DON DIÈGUE▲ Non! l honneur le défend! ▼AMIS DU COMTE▲ Oui! le sang veut du sang! ▼RODRIGUE▲ O tourment… de la voir! O douleur… de l entendre! Comme il est loin de moi le bonheur attendu! A quoi bon résister! et pourquoi me défendre? A jamais entre nous est le sang répandu! ▼CHIMÈNE▲ Rien ne peut le sauver! Rien ne doit le défendre! Je tiendrai le serment par le ciel entendu! Qui pourrait hésiter dans l arrêt qu il faut rendre? N est-il pas réclamé par le sang répandu? ▼DON DIÈGUE▲ Par l honneur qu il servait et qu il a su défendre, Que Rodrigue à son tour soit aussi défendu! Un affront à punir veut du sang à répandre, Et l arrêt sans terreur est par nous attendu! ▼LE ROI▲ Par le juge éternel que je sois entendu! Si le sang veut du sang! S il osa le répandre… Ah! je doute et je tremble à l arrêt qu il faut rendre. Par l honneur qu il servait n est-il pas défendu! ▼L INFANTE▲ Que sévère ou clément soit l arrêt qu il faut rendre, Les voilà séparés par le sang répandu! Et je sens, malgré moi, tout mon coeur se répande a l espoir d un bonheur qui m était défendu! ▼LES AMIS DU COMTE et LA FOULE▲ Il n est plus celui-là qui savait nous défendre! Rigoureux soit l arrêt en ce jour attendu! Oui! le sang veut du sang! il osa répandre Et Rodrigue à jamais par son crime est perdu! ▼LES AMIS DE DON DIÈGUE ET LA FOULE▲ Un affront à punir veut du sang à répandre Et l honneur est toujours des vaillants entendu! C était lui qu il servait et qu il a su défendre que Rodrigue à son tour soit par lui défendu! (Appels de trompettes au loin.) ▼LE ROI▲ (avec surprise) Ces appels! Qu est-ce donc? ▼LE CHOEUR▲ (tous regardent) Sire! un cavalier maure! (Paraît un cavalier, suivi de quelques soldats maures) ▼LE ROI▲ Un envoyé de Boabdil! L infidèle! Ose-t-il devant moi paraître encore? ▼L ENVOYE MAURE▲ Ô Roi! Boabdil notre maître et l Elu du Prophète. Lassé de son repos que vous nommiez retraite, A repris le chemin qui mène à tes états Et par ma voix t appelle à de nouveaux combats! (mouvement dans la foule) ▼LE ROI▲ (fièrement à l Envoyé Maure) Puisque ton maître à la défaite veut ramener ses compagnons, Retourne sur tes pas! Dis-lui que nous venons! ▼TOUS▲ Retourne vers les tiens! Dis-leur que nous venons! ▼LE ROI▲ Quant au nombre de ceux qui tentent l aventure Peu nous importe, car nous savons, je te jure! Ce qu il en restera quand nous aurons passé! ▼TOUS▲ Il n en restera plus, quand nous aurons passé! (L Envoyé Maure s éloigne avec son escorte) ▼LE ROI▲ (gravement à ses gentilshommes) Vous avez entendu sa parole hautaine? (A Rodrigue, avec un reproche douloureux) Rodrigue, qu as-tu fait? Quand notre ennemi reparaît, Le plus vaillant guerrier, mon plus fier capitaine, Tu me t as enlevé? ▼DON DIÈGUE▲ (s avançant résolument) Eh bien! sire!… qu il le remplace! Dans cette sombre nuit s il vous a trop prouvé Sa force et son audace! Qu il vous l atteste mieux au jour qui s est levé! (Aux soldats, au peuple) Oui! qu il soit votre chef! Si vous voulez le suivre, si son bras le défend le pays est sauvé! ▼LES AMIS DE DON DIÈGUE ET LA FOULE▲ Oui, qu il soit votre chef! Oui! vous devez le suivre Si son bras le défend le pays est sauvé! ▼RODRIGUE▲ (frémissant, au Roi) Ah! Sire! écoutez-les! Permettez-moi de vivre Un jour encore! Un jour encore! le temps d être vainqueur! ▼DON DIÈGUE▲ (avec ardeur) Oui! qu il soit votre chef! Si vous voulez le suivre! Ecoutez-les! Si son bras le défend, le pays est sauvé ▼LA FOULE▲ Oui, qu il notre chef! Oui, nous voulons le suivre! Si son bras le défend, le pays est sauvé Sois notre chef! ▼RODRIGUE▲ Sire! Ecoutez-les! Permettez-moi de vivre un jour, et d être vainqueur! ▼DON DIÈGUE▲ (au Roi) Ecoutez-les! ▼LA FOULE▲ (avec joie) Notre chef! ▼LE ROI▲ J y consens… sois leur chef! ▼CHIMÈNE▲ Lui! Dieu vengeur! ▼LE ROI▲ (à Rodrigue) Va combattre pour la patrie! ▼CHIMÈNE▲ Ah! justice! justice! justice! Ecoutez-moi! ▼LE ROI▲ (à Chimène) Nous compterons après! J ai pour gage sa vie! ▼CHIMÈNE ET LES AMIS DU COMTE▲ C est la cause de Dieu que déserte le Roi! ▼LE ROI, DON DIÈGUE, AMIS DE DON DIÈGUE, L INFANTE et LA FOULE▲ Va combattre, Rodrigue! et que Dieu soit pour toi! ▼CHIMÈNE LES AMIS DU COMTE▲ Malheur sur toi! ▼RODRIGUE▲ Que Dieu soit pour moi! RIDEAU ACTE DEUXIÈME Premier tableau (Une rue à Burgos. La nuit. Peu de lune. A droite le palais du Comte. A gauche une lampe allumée devant une madone.) RIDEAU RODRIGUE (Rodrigue s avance lentement.) Percé jusques au fond du coeur D une atteinte imprévue aussi bien que mortelle. Par l injuste rigueur d une juste querelle Je deviens la victime, en étant le vengeur! O Dieu l étrange peine, Si près de voir l amour récompensé! En cet affront mon père est l offensé… Et l offenseur, le père de Chimène! (Il fait un mouvement pour s éloigner. Revenant) Non! Je dois tout à mon père avant qu à ma maîtresse. Que je meure au combat, ou meure de tristesse Je rendrai mon sang pur comme je l ai reçu! Ah! Qu importe ma peine, ma peine! C est trop déjà d avoir tant balancé! Puisqu aujourd hui mon père est l offensé et l offenseur est le père de Chimène! (Il s élance vers la porte du palais. A ce moment le Comte paraît sur le seuil) RODRIGUE (très ferme et très décidé) A moi, Comte, deux mots. LE COMTE Parle!. RODRIGUE Ote-moi d un doute. Connais-tu bien Don Diègue? LE COMTE Oui. RODRIGUE (sans retenir) Parlons bas; écoute Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu, La vaillance et l honneur de son temps? Le sais-tu? LE COMTE Peut-être RODRIGUE (sombre) Cette ardeur que dans les yeux je porte. Je l ai prise en son coeur et son sang est le mien! Comte, le sais-tu bien? LE COMTE Que m importe? RODRIGUE A quarter pas d ici je te le fais savoir! LE COMTE Jeune présomptueux! RODRIGUE Par le sans t émouvoir! (très ferme et fièrement) Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées La valeur n attend pas le nombre des années! J attaque en téméraire un bras toujours vainqueur! Oui, tout autre que moi Pourrait trembler d effroi! J attaque en téméraire Un bras toujours vainqueur Mais, j aurai trop de force ayant assez de coeur, Car je venge mon père! LE COMTE Te mesurer à moi! Je tremblerais pour toi! Va, sois moins téméraire! Dispense me valeur d un combat inégal et pour moi sans honneur. Téméraire! Je tremble pour toi! Crains sans honneur (tirant son épée) ENSEMBLE Allons! Allons! L épée en main! (ils se battent) LE COMTE (Après un engagement) Ah! Ton bras est fort comme ton âme est fière RODRIGUE Mes pareils `à deux fois en se font pas connaître… Et pour leurs coups d essai… (Transperçant le Comte) Veulent des coups de maître! LE COMTE (Tombant) Ah! RODRIGUE (Se précipitant sur le corps du Comte) Dieu du ciel! Qu ai-je fait? Je n ai plus qu a mourir! (Divers groupes accourant à la hâte de plusieurs côtés à la fois) PREMIERS GROUPES Un combat! Que s est-il passé? Regardez! là! Le Comte! notre maître! mortellement blessé! AUTRES GROUPES (Accourant) Qu est-ce donc? que s est-il passé? Il respire encore peut être? Non! Son coeur est déjà glacé! DON DIÈGUE (est accouru, accompagné de ses amis.) Gormaz n est plus! (se retournant aux amis) Amis, dont le courage S offrait à venger mon outrage, Vous le voyez mon fils vous avait devancés! (allant vers Rodrigue, les bras ouverts) Rodrigue! mes affronts par toi, sont effacés! Je t ai donné la vie et tu me rends la gloire! (Des valets emportent le corps du Comte dans son palais. Une partie de la foule les suit) RODRIGUE (à son père; avec une douleur encore contenue) Quand vous revient l honneur ravi Je ne me repens point de vous avoir servi… DON DIÈGUE Ô mon fils…! RODRIGUE Mais laissez moi pleurer ma cruelle victoire! DON DIÈGUE Ô mon cher fils…! RODRIGUE Pour vous j ai tout perdu… DON DIÈGUE (tendre) Ô mon fils…! RODRIGUE (en sanglotant) Ce que je vous devais je vous l ai bien rendu! (parait sur l escalier, pâle, échevelée) CHIMÈNE Mort! mort! Qui l a frappé? Ah! je le jure Par le ciel, par le sang de l horrible blessure, Celui-là… quel qu il soit je veux le frapper de ma main! LE CHOEUR (dans le palais du comte) Requiem dona ei sempiternam Domine. CHIMÈNE (avec des sanglots et comme se parlant à elle même) O mon père! Si grand! si glorieux et si bon! Ce matin comme avec de doux yeux il disait Mon enfant peut l aimer et me plaire! (A ces mots, Rodrigue se voile le visage avec ses mains) LE CHOEUR (dans le palais du comte ) Requiem dona ei sempiternam Domine. CHIMÈNE (avec un crie farouche) Non! pas d oubli… ni de pardon! (à la foule) Mais répondez-moi donc! il faut que l on me nomme Le meurtrier! (Silence général. Chimène va de l un à l autre; à l un des assistants avec anxiété.) C est toi? Non! tu l aimais! (à un autre) C est toi? peut-être? Ah! tu n aurais jamais eu ce courage! (à au autre) Toi? (avec une rage croissante) Dieu! Le nom de cet homme Qui m a pris mon bonheur, mon orgueil, mon appui! Parlez! parlez! (Elle arrive devant Rodrigue et pousse un cri en le voyant si pâle et si accablé; elle a tout compris. Avec horreur.) Ah! Ciel! lui! Rodrigue! C est lui! (Elle tombe évanouie; sans voix) lui! LE CHOEUR (dans le palais) Requiem dona ei sempiternam Domine. (Le rideau tombe lentement pendant que l on entend encore dans l intérieur du palais le chant religieux) Deuxième Tableau (Le grande place de Burgos. A gauche, le palais du Roi. Journée de printemps. Clair soleil - Danses populaires - Foule. Tableau très animé dès le lever du Rideau. L Infante paraît et va de groupe en groupe, suivie de moines et de jeunes filles portant des corbeilles et des aumônières) RIDEAU L INFANTE (à un groupe de vieillards et d enfants) Plus de tourments et plus de peine Au jour attendu si longtemps! Le printemps sans la joie humaine Serait-il encore le printemps? (distribuant des aumônes) Prenez, c est Dieu qui vous le donne, Alléluia! Dieu jamais ne nous abandonne Quand jamais on ne l oublia! Alléluia! LES JEUNES FILLES et LES MOINES Alléluia! (Un groupe de fiancés s approche de l Infanta) L INFANTE (aux fiancés) Allez en paix, vous que l on aime, Allez, en vous donnant la main! N avez-vous pas le bien suprême Que d autres coeurs cherchent en vain? L amour, c est Dieu qui nous le donne! Alléluia! Gardez ce trésor qui rayonne Et que le ciel vous confia! Alléluia! LES JEUNES FILLES et LES MOINES Alléluia! Alléluia! (L Infanta s éloigne suivie des Moines. La place est envahie par des groupes joyeux.) LA FOULE Accourez! accourez! accourez! Accourez! Sages et fous, venez avec nous! venez! (Le Roi paraît sur le seuil du palais) (Ballet castillane, andalouse, aragonaise, aubade, catalane, madrilène, navarraise) LA FOULE Alza! Alza! Alza! Alza! LA FOULE (apercevant le Roi, le salue de ses cris de joie) Le Roi! le Roi! le Roi! Salut à notre maître, Au généreux et doux Seigneur! Salut! salut! salut! salut! (Le Roi descend les degrés du palais) CHIMÈNE (accourant éperdue) Justice! Justice! Justice! On a tué mon père! LA FOULE (Mouvement général de surprise et d horreur) Dieu! Dieu! CHIMÈNE Je me jette à vos pieds! j embrasse vos genoux! Sire! écoutez ma prière! Vengez ce noble sang qui fumait de courroux De se voir répandu pour d autres qui pour vous! LA FOULE Justice! CHIMÈNE J implore ta justice… O Roi! je la réclame! Il n a pas hésité, lui, pour briser mon âme! Ni pitié, ni pardon, jamais, pour cet infâme! LE ROI Et de qui faut-il donc que je tire vengeance? CHIMÈNE De Rodrigue! LE ROI (douloureusement) Rodrigue! Ah! j attendais ce nom! Il n est pas de ceux-là qui gardent une offense! CHIMÈNE Sire! Je l ai juré! Ni pitié! Ni pardon! (avec véhémence) Lorsque j irai dans l ombre. Aux plis d un voile sombre Cachant mon front terni. Faudra-t-il donc que je le voie Passer, ivre de joie Et d orgueil impuni? Ni pitié… ni pardon… Ô Roi! c est en toi que j espère! Frappe-le! Écoute ma prière Frappe-le! frappe-le! frappe-le! Il a tué mon père! DON DIÈGUE (qui a paru sur les dernières paroles de Chimène, s avançant la main posée sur l épaule de Rodrigue) Il a vengé le sien! LE ROI (à Don Diègue, avec calme) Vous, Don Diègue, parlez! DON DIÈGUE (sombre et amer) Qu on est digne d envie Lorsqu en perdant la force on perd aussi la vie! Je me vois aujourd hui, pour avoir trop vécu, Recevoir un affront et demeurer vaincu! Moi, dont les longs travaux ont acquis tant de gloire! Moi! que jadis partout a suivi la victoire! Rodrigue est mon fils! un fils digne de moi, Digne de son pays, et digne de son roi! Si Chimène se plaint qu il a tué son père… Il ne l eut jamais fait si je l eusse pu faire! Sire! Immolez donc celui que les ans vont ravir… Et conservez pour vous pour vous le bras qui peut servir! Satisfaites Chimène, Je consens à ma peine… Et loin de murmurer d un rigoureux décret Mourant sans déshonneur je mourrai sans regret! CHIMÈNE (implacable, avec énergie) Sire! mon père est mort! J en demande vengeance! L INFANTE, DON DIÈGUE, AMIS DE DON DIÈGUE Non! l honneur le défend! AMIS DU COMTE Oui! le sang veut du sang! RODRIGUE O tourment… de la voir! O douleur… de l entendre! Comme il est loin de moi le bonheur attendu! A quoi bon résister! et pourquoi me défendre? A jamais entre nous est le sang répandu! CHIMÈNE Rien ne peut le sauver! Rien ne doit le défendre! Je tiendrai le serment par le ciel entendu! Qui pourrait hésiter dans l arrêt qu il faut rendre? N est-il pas réclamé par le sang répandu? DON DIÈGUE Par l honneur qu il servait et qu il a su défendre, Que Rodrigue à son tour soit aussi défendu! Un affront à punir veut du sang à répandre, Et l arrêt sans terreur est par nous attendu! LE ROI Par le juge éternel que je sois entendu! Si le sang veut du sang! S il osa le répandre… Ah! je doute et je tremble à l arrêt qu il faut rendre. Par l honneur qu il servait n est-il pas défendu! L INFANTE Que sévère ou clément soit l arrêt qu il faut rendre, Les voilà séparés par le sang répandu! Et je sens, malgré moi, tout mon coeur se répande a l espoir d un bonheur qui m était défendu! LES AMIS DU COMTE et LA FOULE Il n est plus celui-là qui savait nous défendre! Rigoureux soit l arrêt en ce jour attendu! Oui! le sang veut du sang! il osa répandre Et Rodrigue à jamais par son crime est perdu! LES AMIS DE DON DIÈGUE ET LA FOULE Un affront à punir veut du sang à répandre Et l honneur est toujours des vaillants entendu! C était lui qu il servait et qu il a su défendre que Rodrigue à son tour soit par lui défendu! (Appels de trompettes au loin.) LE ROI (avec surprise) Ces appels! Qu est-ce donc? LE CHOEUR (tous regardent) Sire! un cavalier maure! (Paraît un cavalier, suivi de quelques soldats maures) LE ROI Un envoyé de Boabdil! L infidèle! Ose-t-il devant moi paraître encore? L ENVOYE MAURE Ô Roi! Boabdil notre maître et l Elu du Prophète. Lassé de son repos que vous nommiez retraite, A repris le chemin qui mène à tes états Et par ma voix t appelle à de nouveaux combats! (mouvement dans la foule) LE ROI (fièrement à l Envoyé Maure) Puisque ton maître à la défaite veut ramener ses compagnons, Retourne sur tes pas! Dis-lui que nous venons! TOUS Retourne vers les tiens! Dis-leur que nous venons! LE ROI Quant au nombre de ceux qui tentent l aventure Peu nous importe, car nous savons, je te jure! Ce qu il en restera quand nous aurons passé! TOUS Il n en restera plus, quand nous aurons passé! (L Envoyé Maure s éloigne avec son escorte) LE ROI (gravement à ses gentilshommes) Vous avez entendu sa parole hautaine? (A Rodrigue, avec un reproche douloureux) Rodrigue, qu as-tu fait? Quand notre ennemi reparaît, Le plus vaillant guerrier, mon plus fier capitaine, Tu me t as enlevé? DON DIÈGUE (s avançant résolument) Eh bien! sire!… qu il le remplace! Dans cette sombre nuit s il vous a trop prouvé Sa force et son audace! Qu il vous l atteste mieux au jour qui s est levé! (Aux soldats, au peuple) Oui! qu il soit votre chef! Si vous voulez le suivre, si son bras le défend le pays est sauvé! LES AMIS DE DON DIÈGUE ET LA FOULE Oui, qu il soit votre chef! Oui! vous devez le suivre Si son bras le défend le pays est sauvé! RODRIGUE (frémissant, au Roi) Ah! Sire! écoutez-les! Permettez-moi de vivre Un jour encore! Un jour encore! le temps d être vainqueur! DON DIÈGUE (avec ardeur) Oui! qu il soit votre chef! Si vous voulez le suivre! Ecoutez-les! Si son bras le défend, le pays est sauvé LA FOULE Oui, qu il notre chef! Oui, nous voulons le suivre! Si son bras le défend, le pays est sauvé Sois notre chef! RODRIGUE Sire! Ecoutez-les! Permettez-moi de vivre un jour, et d être vainqueur! DON DIÈGUE (au Roi) Ecoutez-les! LA FOULE (avec joie) Notre chef! LE ROI J y consens… sois leur chef! CHIMÈNE Lui! Dieu vengeur! LE ROI (à Rodrigue) Va combattre pour la patrie! CHIMÈNE Ah! justice! justice! justice! Ecoutez-moi! LE ROI (à Chimène) Nous compterons après! J ai pour gage sa vie! CHIMÈNE ET LES AMIS DU COMTE C est la cause de Dieu que déserte le Roi! LE ROI, DON DIÈGUE, AMIS DE DON DIÈGUE, L INFANTE et LA FOULE Va combattre, Rodrigue! et que Dieu soit pour toi! CHIMÈNE LES AMIS DU COMTE Malheur sur toi! RODRIGUE Que Dieu soit pour moi! RIDEAU Massenet,Jules/Le Cid/III
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Ein Gesetz, Tokyo jung zu nennen, bevölkert, gesunde Erziehungsregulierungen reformieren, Rechnung wird jetzt in Japan gegeben.Wenn das Gesetz geht, wird ein lebhafter Cartoon / Komiker reguliert!Leichter Novell / der Roman ist mit dem Regulierungsgegenstand außerhalb es. Wie für der wunde Punkt bin ich die Grenze darin dieses ein Satz, aber, wie für das Schreiben, daß Sie in Stelle blog denken, ..... welcher Sie machen wenn hat über das Oben erwähnte nachgedacht, wie wird darüber; oder dies von mir konnte machen, das alles ist; ist ein Wunsch(Aber in dort das Sein die Möglichkeit, die ich "" sterbe und den unbesiedelten Ausdruck des Vaters bitte anhalte, und es wird genug für die Zustimmung gesagt)
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Sterneneisen 「星の鉄」 詞/In Extremo 曲/In Extremo 言語/ドイツ語 歌詞 Donnernd das Eisen vom Himmel fiel Punktgenau bestimmt ins Ziel Von allen Menschen heiß begehrt Daraus war schon das Artusschwert Genauso sind wir auch erschienen Waren verehrt und angespien Fielen vom Himmel als glühendes Feuer Und wurden euch so lieb und teuer Dieser Stern hat sieben Zacken Sieben Funken, sieben Macken Sterneneisen, Sterneneisen Wenn wir auf den Sternen reisen Werden wir es gern beweisen Laut sind wir und nicht die Leisen Sterneneisen, Sterneneisen, Sterneneisen Laut sind wir und nicht die Leisen In eurer Mitte eingeschlagen Kennt ihr uns seit jenen Tagen Große Herzen, großes Maul Abends fleißig, morgens faul Gemeinsam wir am Himmel brennen Werden wir noch hörer rennen Aufstehen, vorwärts, immer weiter Sterneneisen, Sternenreiter Dieser Stern hat sieben Zacken Sieben Funken, sieben Macken Sterneneisen, Sterneneisen Wenn wir auf den Sternen reisen Werden wir es gern beweisen Laut sind wir und nicht die Leisen Sterneneisen, Sterneneisen, Sterneneisen Laut sind wir und nicht die Leisen Dieser Stern hat sieben Zacken Sieben Funken, sieben Macken Sterneneisen, Sterneneisen Wenn wir auf den Sternen reisen Werden wir es gern beweisen Laut sind wir und nicht die Leisen Sterneneisen, Sterneneisen, Sterneneisen Laut sind wir und nicht die Leisen 日本語訳 轟音を立てて空から鉄が落ちてきた 一寸違わず標的めがけて その鉄はあらゆる人に珍重され 過去にはそれからエクスカリバーが作られた 全く同じように俺たちも表舞台に現れた 崇められたり 唾を吐きかけられたりしてきたが 空から赤々と燃える炎となって降りてきて お前らにとってかけがえのない存在となった この星には七つの頂点があり 七つの火花をまとい 七つの考えを持っている 星の鉄 星の鉄 俺たちが星の上を旅するときは 是非ともこの心意気を見せてやろう 俺たちは騒々しい人間なんだ 静かになんてしてられないぜ 星の鉄 星の鉄 星の鉄 激しく行こうぜ 大人しくなんかしてるなよ お前らのど真ん中に落ちたあの日から お前らは俺たちのことを知っている 広い心を持ち 大口を叩き 夜の間は勤勉で 朝になると怠け者になる 一緒に空の上で燃えようじゃないか まだまだ上へ向かって走っていけるだろう 立ち上がって 前へ進もう さらに遠くへ 星の鉄に乗る 星の騎士となって この星には七つの頂点があり 七つの火花をまとい 七つの考えを持っている 星の鉄 星の鉄 俺たちが星の上を旅するときは 是非ともこの心意気を見せてやろう 俺たちは騒々しい人間なんだ 静かになんてしてられないぜ 星の鉄 星の鉄 星の鉄 激しく行こうぜ 大人しくなんかしてるなよ この星には七つの頂点があり 七つの火花をまとい 七つの考えを持っている 星の鉄 星の鉄 俺たちが星の上を旅するときは 是非ともこの心意気を見せてやろう 俺たちは騒々しい人間なんだ 静かになんてしてられないぜ 星の鉄 星の鉄 星の鉄 激しく行こうぜ 大人しくなんかしてるなよ
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ACTE III (La chambre rouge, vieille salle gothique. Porte à droite, au premier plan; autre porte au deuxième plan, à gauche; du même côté, au troisième plan, une porte secrète dissimulée par un tableau représentant la grandeduchesse Victorine en pied. Au fond, à gauche, une fenêtre; au fond, à droite, un lit caché par des rideaux. Entre la fenêtre et le lit, une console. Sièges des draperies recouvrent les portes du premier plan. La Grande-Duchesse, puis Boum. au lever du rideau, la scène est vide et sombre. Entre par la droite la Gran-Duchesse précédée d un page qui porte un candélabre. La chambre s éclaire. Le page se retire après avoir posé le candélabre sur la console, alors la Grande-Duchesse, se voyant seule, pousse un petit cri. Aussitôt un cri bizarre répond de la coulisse et le général Boum entre par la première porte de gauche. Pendant cette scène muette, on entend la musique de la fête, qui continue au loin) Scène Première BOUM Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, général, que fait-il? BOUM Il danse. Quand j’ai quitté le bal, Il était en train d’exécuter un cavalier seul. LA GRANDE-DUCHESSE Il danse! Et tout à l’heure, Cet homme, qui maintenant se trémousse... Mais aurez-vous le temps de tout Préparer pour la catastrophe? S’il allait venir? BOUM Pas de danger! Je lui ai fait savoir que Votre Altesse Lui défendait de quitter le bal Avant la fin du cotillon. LA GRANDE-DUCHESSE Comment a-t-il reçu cet ordre? BOUM Avec une mauvaise humeur évidente "Comme c’est amusant, A-t-il dit, un jour de noces!" LA GRANDE-DUCHESSE Il a dit cela? BOUM Il l’a dit. LA GRANDE-DUCHESSE Ah! il l’aime bien, cette petite! Mais patience! patience! BOUM Que regardez-vous, Altesse? LA GRANDE-DUCHESSE Là, sur ce parquet, Il y a une grande tache rouge Quand les étrangers Visitent ce palais, On leur montre cette tache, En leur disant "C’est là que le comte Max est tombé!" Est-ce vraiment là? Je n’en sais rien. En tout cas, Les concierges du palais Racontent cette histoire Et s’en font un bon petit revenu. O grandes leçons du passé! BOUM Grave enseignement de l’histoire! LA GRANDE-DUCHESSE Ici le drame s’est glissé! BOUM Eclair sombre Dans la nuit noire! LA GRANDE-DUCHESSE Tout ça pour que, cent ans après, Racontant la scène émouvante, Le concierge de ce palais S’en fasse une petite rente! ENSEMBLE Le concierge de ce palais S’en fasse une petite rente! LA GRANDE-DUCHESSE Ce qu’on a fait, on le refait. BOUM L’histoire est comme un cercle immense! LA GRANDE-DUCHESSE L’aïeule a commis son forfait. BOUM L’enfant vient et le recommence! LA GRANDE-DUCHESSE Tout ça pour que, Dans deux cents ans, Exploitant ces scènes navrantes, Du portier les petits enfants Aient aussi leurs petites rentes! ENSEMBLE Du portier les petits-enfants Aient aussi leurs petites rentes! BOUM À partir de demain, alors, Il y aura deux histoires à raconter, Deux taches à montrer Et deux bons petits revenus Pour messieurs les concierges! LA GRANDE-DUCHESSE Probablement, mais vos complices? BOUM Ils m’attendent dans Ce corridor mystérieux. (Il montre la porte secrète) LA GRANDE-DUCHESSE Ouvrez-leur la porte; Je vais, moi, me cacher Derrière cette draperie. BOUM J’en suis bien aise. LA GRANDE-DUCHESSE Pourquoi ça? BOUM Si vous n’aviez pas été là, Derrière cette draperie, Notre conspiration Ça aurait manqué de femmes! LA GRANDE-DUCHESSE Gardez-vous cependant De révéler ma présence Au dernier moment, Si je le juge convenable, Je me montrerai. BOUM Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Maintenant, faites entrer vos amis Et tâchez de me mener ça rondement! (Elle disparaît par la droite) Scène Seconde BOUM (seul, allant au portrait) Le portrait, Le voilà c’est Le genou qu’il faut toucher. (la porte secrète s’ouvre. Entrent Puck, le prince Paul, Népomuc et le baron Grog) Un, deux, trois, quatre Où sont les autres? PUCK Ils viendront quand il en sera temps Si nous étions venus tous ensemble, Cette fugue générale Eût inspiré des soupçons. BOUM Vous avez raison. LE PRINCE PAUL D’abord, il faut prendre nos mesures. BOUM (à Népomuc) Vous êtes des nôtres, monsieur? NÉPOMUC Dès que j’ai su que cela était Agréable à la Grande-duchesse. LE PRINCE PAUL Vous êtes un malin. NÉPOMUC Je suis pauvre, monsieur, Mais je suis ambitieux. BOUM Donnez-moi votre main, monsieur. NÉPOMUC La voici, général. BOUM J’aime les gens de cœur! (Au prince Paul, en montrant le baron Grog) Monsieur aussi Est avec nous, prince? LE PRINCE PAUL Oui, général. TOUT LE MONDE Baron! GROG Messieurs! PUCK Monsieur le baron sait de quoi il s’agit? GROG (d’un ton dégagé) Parfaitement! Il ne s’agit que de tuer un homme. LE PRINCE PAUL C’est ici la chambre? PUCK Oui; c’est ici que nous le frapperons. BOUM Et maintenant, écoutez-moi tous. (Il tire son sabre) PUCK Qu’est-ce que c’est que ça encore? LE PRINCE PAUL (effrayé) Rengainez ça! TOUS Oui, oui, rengainez! BOUM Quand on se fourre dans ces choses-là, Il faut y rester jusqu’au bout! Je coupe en quatre celui qui aurait Envie de renâcler. PUCK Mais personne n’a envie. BOUM Si vous avez envie de renâcler, Dites-le, je vous coupe en quatre! LE PRINCE PAUL Rengainez donc! PUCK Mais, encore une fois, Personne n’a envie Il n’y a pas moyen de discuter Raisonnablement avec un homme Comme vous. BOUM (remettant son sabre au fourreau) J’ai dit ce que j’ai dit! LE PRINCE PAUL En voilà assez! (La Grande-duchesse rentre par la droite et vient se placer entre Boum et Puck) Scène Troisième LA GRANDE-DUCHESSE Sont-elles bonnes, au moins, Les lames de vos poignards, messieurs? LES CONJURES Son Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Oui, messieurs j’étais là décidée À paraître au dernier moment, Pour exciter votre courage, S’il en était besoin; Mais je vois Que cela n’était pas nécessaire. NÉPOMUC Non, certes. PUCK Qu’il vienne, et vous verrez! BOUM Je le couperai en quatre! LA GRANDE-DUCHESSE Ah! une prière, messieurs. PUCK Dites un ordre! LA GRANDE-DUCHESSE Ce que je vous recommande, Avant tout, c’est, en le frappant, De ne pas le frapper au visage. GROG (dans le coin à gauche et masqué par le Prince Paul ironiquement) Ah! ce serait dommage! LA GRANDE-DUCHESSE Qui a dit cela? GROG (se montrant) Moi. LA GRANDE-DUCHESSE Qui ça, vous? Je connais tous les conjurés Qui sont ici; Mais vous, je ne vous connais pas. LE PRINCE PAUL C’est mon Grog. LA GRANDE-DUCHESSE Votre Grog? LE PRINCE PAUL Eh! le baron Grog L’envoyé de papa celui que vous N’avez pas voulu recevoir. LA GRANDE-DUCHESSE (regardant Grog avec intérêt, et passant près du prince Paul) Ah! j’ai eu tort. BOUM Vous dites? LA GRANDE-DUCHESSE (au prince Paul, à Boum et à Puck) Rien, rien Allez placer vos hommes, messieurs, Et, quand vous les aurez placés, Revenez tous les trois vous, Baron Grog, restez. GROG Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, quoi? Ne m’aviez-vous Pas demandé une audience? Cette audience, Je vous la donne maintenant (aux conjurés) Allez, messieurs, allez. LE PRINCE PAUL (bas, à Grog) Grog, soyez brûlant! (Boum, Puck et le prince Paul sortent par la première porte à gauche; la Grande-duchesse les accompagne un peu. Grog passe à droite) Scène Quatrième LA GRANDE-DUCHESSE Ce qui m’a tout de suite Frappée, en vous, C’est que vous avez l’air bon. GROG Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Tout à fait bon. GROG Il vous plaît, alors, Que nous parlions de mon prince? LA GRANDE-DUCHESSE Tout à l’heure Laissez-moi, d’abord, Me féliciter d’avoir pour ami Un homme tel que vous. GROG Comment? LA GRANDE-DUCHESSE Sans doute... Puisque je vous trouve au nombre De ceux qui doivent me venger! GROG Oh! Quant à cela, J’avoue que ce n’est pas Précisément par amitié. Votre Altesse s’obstinait À ne pas me recevoir Ça m’ennuyait de ne rien faire; J’ai conspiré un brin pour me distraire. LA GRANDE-DUCHESSE Pour vous distraire? GROG Pas pour autre chose. LA GRANDE-DUCHESSE Comme j’aime Votre genre de conversation! Vous dites des choses à faire sauter! Et votre figure ne bronche pas. GROG C’est le résultat de l’éducation. LA GRANDE-DUCHESSE Ah! GROG Dès mes plus jeunes années, Ma famille m’a destiné à la diplomatie. Alors, on m’a appris à avoir l’air froid Quand j’étais tout petit. LA GRANDE-DUCHESSE Il y a longtemps. GROG Oui, il y a longtemps Quand j’étais tout petit, Toutes les fois que l’on m’attrapait À ne pas avoir l’air froid, On me flanquait des coups. LA GRANDE-DUCHESSE Pauvre enfant! Voulez-vous me permettre De vous donner un conseil? GROG Avec plaisir. LA GRANDE-DUCHESSE Tout à l’heure, Quand le moment sera venu, Quand il faudra taper Sur le général Fritz, Ne vous mettez pas en avant Vous seriez capable d’attraper Ne balafre qui vous défigurerait. GROG Ah! bien! LA GRANDE-DUCHESSE Tenez-vous derrière les autres. Quand le coup sera fait Et qu’il n’y aura plus Qu’à recevoir les récompenses, Je ferai passer les autres derrière vous. (Grog fait un petit mouvement des lèvres) Qu’est-ce que vous avez? Vos lèvres viennent de faire Un petit mouvement... comme ça. (elle l’imite) Chez un autre, ça ne serait rien... Mais chez vous, Ça doit être un éclat de rire. GROG Juste! LA GRANDE-DUCHESSE Comme je vous connais déjà! Qu’est-ce qui vous fait rire autant Que ça, dites-moi? GROG Je ne peux pas. LA GRANDE-DUCHESSE Pas mon ami, alors? GROG Si fait. LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien? GROG Il y a une heure, vous trembliez Pour la figure du général Fritz... Maintenant, vous tremblez Pour ma figure, à moi. LA GRANDE-DUCHESSE (souriant, à part) C’est vrai, pourtant! GROG Si l’on était avantageux, Si l’on voulait tirer des conséquences. LA GRANDE-DUCHESSE Chut! faut pas! GROG Non. LA GRANDE-DUCHESSE Ne parlons pas de ça! GROG Si nous parlions de mon prince? LA GRANDE-DUCHESSE Tout à l’heure Qu’est-ce que vous êtes là-bas, là-bas, À la cour de votre maître? Chambellan? GROG J’ai aussi le grade de colonel, Au palais seulement. LA GRANDE-DUCHESSE Vous auriez mieux Que cela à ma cour, Si vous vouliez quitter Le service de l’Electeur. GROG Malheureusement pour moi, C’est impossible. LA GRANDE-DUCHESSE Impossible? GROG Sans doute! À moins que Votre Altesse Ne consente à épouser mon prince. LA GRANDE-DUCHESSE (à part) Aïe! aïe! aïe! GROG Il serait tout simple, alors. LA GRANDE-DUCHESSE Epouser votre prince... Nous y voilà revenus! GROG Je pensais que nous n’avions Pas parlé d’autre chose. LA GRANDE-DUCHESSE Mes compliments, baron Vous êtes un fameux diplomate! GROG Je vous en supplie, Altesse, Prenez mon prince... Je vous assure que c’est Un bon petit jeune homme. LA GRANDE-DUCHESSE Un fameux diplomate Il n’y a pas à dire! GROG Eh bien, que décidez-vous? LA GRANDE-DUCHESSE Voulez-vous que je vous dise? Je n’en sais rien. GROG Ah! LA GRANDE-DUCHESSE Tout ça, voyez-vous, Tout ça danse dans ma tête... Ça tourne! ça tourne! Fritz, vous, le prince Et Puck et Boum dans le fond. Ferai-je tuer, ne ferai-pas tuer? Et si je fais tuer quelqu’un, Qui ce sera-t-il? Ce sera-t-il Fritz? Ce sera-t-il vous? GROG Moi? LA GRANDE-DUCHESSE Je n’en sais rien. Voilà où j’en suis... Je n’en sais rien, absolument rien. (Le prince Paul, Boum et Puck rentrent par la première porte à gauche) Scène Cinquième LE PRINCE PAUL, BOUM ET PUCK Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Qu’y a-t-il? Ah! c’est vous, messieurs. LE PRINCE PAUL (bas, à Grog) Eh bien? GROG (bas) Ça marche. LE PRINCE PAUL (bas, avec effusion) Ah! mon ami! LA GRANDE-DUCHESSE (à Boum) Vous avez placé vos hommes? BOUM Oui, Altesse. LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, allez les trouver derechef Et dites-leur qu’ils Peuvent rentrer chez eux. PUCK (étonné) Comment? LA GRANDE-DUCHESSE (regardant Grog, avec intention) On ne frappera pas. BOUM (stupéfait, avec éclat) Ah! bien, par exemple! LA GRANDE-DUCHESSE (avec sévérité) Vous dites? BOUM Je ne dis rien parce que Votre Altesse est là... Mais, si Votre Altesse n’était pas là... Je dirais que c’est insupportable, à la fin! LA GRANDE-DUCHESSE Vous vous oubliez, ce me semble. BOUM Non, mais enfin tout était Bien convenu, Bien arrangé et puis, Au dernier moment, Vous venez nous dire... LE PRINCE PAUL C’est très désagréable, On se donne du mal Pour monter une petite partie. PUCK Toute la peine était prise il ne, Restait plus que le plaisir. LA GRANDE-DUCHESSE J’ai dit que l’on ne frapperait pas. BOUM Mais pourquoi? LA GRANDE-DUCHESSE Frapper un homme Le jour où je me marie, Cela ne serait pas convenable. (Etonnement général) PUCK Le jour où vous vous mariez! LE PRINCE PAUL (avec joie) Vous l’avez dit, ma chère, vous l’avez dit! LA GRANDE-DUCHESSE Oui, je l’ai dit. LE PRINCE PAUL Vraiment, vous consentez enfin? LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, oui, je consens. Remerciez le baron, Vous lui devez beaucoup; Je n’ai pu résister à son éloquence. LE PRINCE PAUL Ah! Baron! Tous les ans, au jour de l’an, Papa me donne le droit De faire un margrave. Il aime mieux ça Que de me donner de l’argent. Eh bien, je ne vous dis que ça. LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, général Boum? Eh bien, baron Puck? PUCK Eh bien, mais, Altesse, il est bien évident Que le jour où Votre Altesse consent À couronner les feux dont Son Altesse brûlait Pour Votre Altesse il serait malséant de. BOUM Je ne dis pas le contraire, Mais c’est bien désagréable! Il m’en a fait de toutes les couleurs, ce Fritz! Il m’a enlevé ce panache Qui faisait mon orgueil! Il m’a enlevé une femme Qui eût fait mon bonheur! Et je ne me vengerais pas! (avec force) L’ennemi! où est? LA GRANDE-DUCHESSE (l’interrompant) N’est-ce que cela? Vengez-vous tout à votre aise pourvu, Bien entendu, Que vous n’alliez pas jusqu’à. BOUM Pourvu que nous ne sortions Pas des limites de la fantaisie. LA GRANDE-DUCHESSE Justement! PUCK Alors, si nous trouvons Quelque bon tour à lui jouer, Vous nous permettez. LA GRANDE-DUCHESSE Non seulement je vous le permets mais, Voulez-vous que je vous dise? Cela me fera plaisir. BOUM Oh! alors. LA GRANDE-DUCHESSE On vous l’amène Trouvez quelque chose, Cela vous regarde. Prince Paul? LE PRINCE PAUL Ma chérie? LA GRANDE-DUCHESSE Dans deux heures, à la chapelle, Soyez exact. Je vais, moi, faire un choix parmi Les quarante toilettes de mariage Que j’ai été sur le point de mettre Pour vous épouser. (elle se dirige vers la droite, le prince Paul va pour lui baiser la main, elle la retire en disant ) Oh! pas encore! Dieu vous garde, messieurs! (Elle sort) PUCK (à Boum) Le voici qu’est-ce Que nous allons lui faire? BOUM Je tiens ma fantaisie! Nous allons lui arranger Une petite nuit de noces. (Boum et le prince Paul se rangent près de Grog. Entrent, par la première porte à gauche, Fritz et Wanda en mariée; ils sont accompagnés de tous les seigneurs et dames de la cour. Tous portent des lanternes dorées) Scène Sixième CHŒUR Nous amenons la jeune femme Dans la chambre de son mari; Maintenant nous allons, madame, Vous laisser seule avec lui. Nous amenons la jeune femme, Dans la chambre de son mari! FRITZ Bien obligé, messieurs, mesdames Bien obligé de votre bonne conduite! (Au prince Paul, à Grog, à Boum et à Puck) Vous étiez ici, messieurs? PUCK Oui, pour vous faire honneur. FRITZ Bien obligé aussi! Mais si, après m’avoir fait Beaucoup d’honneur, Vous vouliez me faire Beaucoup de plaisir. PUCK Nous nous en irions? FRITZ Eh! bédame! Allons, messieurs, Bonsoir, bonsoir! PUCK (à Fritz) Bonne nuit, monsieur, bonne nuit! LES AUTRES Bonne nuit! PUCK Ce simple mot doit vous suffire; Vous comprenez ce qu’on veut dire, Heureux coquin, lorsqu’on vous dit Bonne nuit! TOUS Bonne nuit! BOUM (à Wanda) Bonsoir, madame, bonne nuit! TOUS Bonne nuit! BOUM Ce compliment vous fait sourire, Bien qu’ignorant ce qu’on veut dire, Jeune épouse, quand on vous dit Bonne nuit! TOUS Quand on vous dit bonne nuit! Bonne nuit! (Tous, excepté Fritz et Wanda, sortent à gauche. Grog, Boum, Puck et le prince Paul sortent les derniers, après avoir salué très profondément les nouveaux époux) Scène Septième FRITZ Enfin, nous voilà seuls! WANDA Oui et je n’en suis pas fâchée. FRITZ Moi non plus, par exemple, moi non plus! WANDA Mais ce n’est pas cela je veux dire que, Maintenant que tout le monde Vous a félicité, Je puis enfin, moi aussi, Vous dire mon compliment. FRITZ Naïve enfant! WANDA Monsieur le général! FRITZ Ça fait une différence, n’est-ce pas, Quand on s’attendait à épouser Un pauvre jeune soldat, Et qu’on se trouve, par le fait, Epouser un général en chef Couronné par la victoire? WANDA Il est clair que dans le premier moment. FRITZ Tu es éblouie avoue le, Naïve enfant. WANDA Non mais... FRITZ Mais tu es éblouie et pourquoi ça? C’est parce que tu vois mon panache, Et mes insignes, et toute ma passementerie Mais je ne me serai pas plus tôt débarrassé. (Il ôte son chapeau, sa pelisse et sa sabretache qu’il pose sur la console du fond) WANDA Eh bien, mais qu’est-ce que tu fais? FRITZ Je te rassure, naïve enfant, je te rassure. WANDA Oh! mais tu as une façon De rassurer les gens, toi. FRITZ Eh bien n’est-ce pas? Quand on est mari et femme Car nous sommes mari et femme, N’est-il pas vrai? WANDA Sans doute, sans doute. FRITZ Eh bien, alors fais comme moi. WANDA Tu dis? FRITZ J’ai ôté mon panache Ôte ton panache aussi. WANDA Tout à l’heure. FRITZ Pourquoi tout à l’heure? Toujours cette timidité! A cause de mon grade n’est-ce pas? Je suis bien sûr que si, Au lieu d’être tous les deux ici dans Un appartement richement décoré, Nous étions dans ta simple cabane, Tu n’hésiterais pas tant... mais voilà. C’est une chose à remarquer que, Plus on s’enfonce Dans les classes élevées, Plus on fait des manières. Eh bien, il ne faut pas Il n’y a pas à dire "ma belle amie", Il faut te rassurer, à la fin. O ma Wanda! (Il la prend par la taille) WANDA (se dégageant) C’est pourtant vrai que j’ai un peu peur. Faut-il, mon Dieu, que je sois bête! C’est pourtant vrai Qu’il m’interdit, Avec cet or sur son habit Et son panache sur la tête! Mon dieu, faut-il que je sois bête! Pourquoi, diable, avoir peur de lui? C’est mon mari! (a ce moment, on entend un violent roulement de tambours) Qu’est-ce que c’est que ça? FRITZ Je ne sais pas, moi. (Nouveau roulement de tambours) CRIS SOUS LA FENETRE Vive le général Fritz! WANDA (remontant près de la fenêtre) On t’appelle. FRITZ C’est une aubade…il n’y a pas à dire Mon bel ami, c’est une aubade... Après ma victoire, c’est bien naturel... Mais ils auraient pu choisir Un autre moment. NOUVEAUX CRIS Vive le général! WANDA Mais ils ne s’en vont pas! FRITZ Non, ils attendent Que j’aille leur parler. C’est le seul moyen De les faire partir. WANDA Parle leur donc. Mais tu m’avoueras que c’est bien désagréable. (Fritz va à la fenêtre et l’ouvre. Nouveau roulement de tambours) NOUVEAUX CRIS Vive le général! FRITZ (à la fenêtre) Messieurs les tambours... Je n’ai pas besoin de vous déclarer Que je suis sensible... Mais je vais vous dire vous Ne savez peut-être pas Je me suis marié aujourd’hui... Alors, vous devez comprendre... Bonsoir, Messieurs les tambours allons, Bonsoir, bonsoir! (Il leur jette de l’argent) NOUVEAUX CRIS. Vive le général Fritz! (Les tambours s’éloignent) FRITZ (revenant à Wanda, après avoir fermé la fenêtre) Tu vois, c’est fini. O ma Wanda! On peut être aimable et terrible! Je suis un grand chef, j’en conviens Mais sous le grand chef, vois tu bien, Tu trouveras l’homme sensible, À la fois aimable et terrible! Pourquoi, diable, avoir peur de lui? C’est ton mari! (Musique militaire sous la fenêtre) WANDA Encore! FRITZ Maintenant, c’est la musique. Nous aurions dû nous y attendre... Après les tambours, Il y a toujours la musique. CRIS SOUS LA FENETRE Vive le général Fritz! WANDA Ah! tu m’avoueras. FRITZ Qu’est-ce que tu veux? Je vais leur parler. (Il retourne à la fenêtre) Messieurs les musiciens. (La musique s’arrête) NOUVEAUX CRIS Vive le général! (On bombarde Fritz de bouquets) FRITZ (à Wanda) Tu vois! ils sont aimables! (Recevant un bouquet en pleine figure) Très aimables! (Wanda ramasse les bouquets, les met sur la table. Fritz se penche à la fenêtre pour parler aux musiciens) Messieurs les musiciens Je suis fâché qu’en venant Vous n’ayez pas rencontré Messieurs les tambours. Ils auraient pu vous dire Que je me suis marié aujourd’hui... Alors, vous devez comprendre... Bonsoir, messieurs les musiciens Bonsoir, bonsoir! (Il leur jette de l’argent) CRIS Vive le général! FRITZ Ils sont partis, je t’assure (fermant la fenêtre et revenant à Wanda) O ma Wanda! Où en étais-je resté?... (se souvenant) Ah! reprenons. (Il va pour l’embrasser. Au même instant, on frappe violemment à toutes les portes, excepté à la porte secrète) WANDA (effrayée) Qu’est-ce que c’est encore? Scène Huitième CHŒUR (au dehors) Ouvrez, ouvrez, dépêchez-vous, Où nous irons chercher main-forte; Ouvrez, ouvrez, jeunes époux, Ou bien nous enfonçons la porte! WANDA Mon ami, n’ouvre pas! FRITZ As pas peur! WANDA O ciel! La porte cède! Ah! je meurs de frayeur! (Les portes s’ouvrent. Entrent par celle de gauche le prince Paul, Puck, Grog et les seigneurs et dames de la cour; par celle de droite, les demoiselles d’honneur et les pages) LE PRINCE PAUL, BOUM ET PUCK Que le ciel soit béni! Nous arrivons à temps! FRITZ ET WANDA (à part) Mais que nous veulent Tous ces gens! PUCK (venant se placer entre Fritz et Wanda) A cheval! à cheval! Vite, monsieur le général! (Wanda revient près de Fritz) CHŒUR A cheval! à cheval! Vite, monsieur le général! LE PRINCE PAUL (venant à son tour entre Fritz et Wanda) Au combat volez tout de suite! Il s’agit d’être expéditif! L’ennemi, Qu’on croyait en fuite, A fait un retour offensif. (Wanda repasse près de son mari) CHŒUR Au combat volez tout de suite! etc. BOUM (même jeu que Puck et le prince Paul) Notre maîtresse vous invite A ne point faire le poussif; On ne vous en tiendra pas quitte, À moins d’un succès décisif. (Wanda revient encore près de Fritz) CHŒUR Notre maîtresse vous invite, etc., etc. FRITZ (allant à Boum) Mes bons amis, vous oubliez Que depuis un instant Nous sommes mariés. BOUM Que nous importe! il faut partir! Il faut aller vaincre ou mourir! FRITZ Alors, je vous laisse ma femme. PUCK (prenant la main de Wanda) C’est très bien nous gardons madame. (Il la fait passer près du prince Paul, qui cherche à la calmer) Mais dépêchez Et vous hâtez. FRITZ Qu’ai-je fait de mon ceinturon? CHŒUR Qu’a-t-il fait de son ceinturon? (A mesure que Fritz nomme un objet d’équipement, un seigneur le passe à Puck, qui le donne à Fritz et l’aide à le mettre) FRITZ Puisqu’il faut que je me harnache, J’ai besoin de mon ceinturon. CHŒUR Le voici, votre ceinturon. FRITZ Mais je n’ai pas la sabretache. CHŒUR La sabretache! FRITZ Et mon panache? Mon panache? Apportez-le moi, s’il vous plaît! Là! je suis complet! CHŒUR Il a son plumet! NÉPOMUC (entrant par la droite et apportant le sabre. A Fritz) Arrêtez, monsieur, arrêtez! J’apporte ce que vous savez! FRITZ Encore le sabre! (le prenant et avec rage) Si tu savais, sabre de son père, Comme ton aspect m’exaspère! CHŒUR Il faut partir! Il faut aller vaincre ou mourir! A cheval! à cheval! Vite, monsieur le général! Au combat volez tout de suite! A cheval! à cheval! Prenez le sabre et partez vite! A cheval! à cheval! (Boum retient Wanda, qui parvient à s’échapper et va se jeter dans les bras de Fritz; Boum les sépare de nouveau, et, lorsque Fritz va sortir, entraîné par Puck, le rideau tombe.) ACTE III (La chambre rouge, vieille salle gothique. Porte à droite, au premier plan; autre porte au deuxième plan, à gauche; du même côté, au troisième plan, une porte secrète dissimulée par un tableau représentant la grandeduchesse Victorine en pied. Au fond, à gauche, une fenêtre; au fond, à droite, un lit caché par des rideaux. Entre la fenêtre et le lit, une console. Sièges des draperies recouvrent les portes du premier plan. La Grande-Duchesse, puis Boum. au lever du rideau, la scène est vide et sombre. Entre par la droite la Gran-Duchesse précédée d un page qui porte un candélabre. La chambre s éclaire. Le page se retire après avoir posé le candélabre sur la console, alors la Grande-Duchesse, se voyant seule, pousse un petit cri. Aussitôt un cri bizarre répond de la coulisse et le général Boum entre par la première porte de gauche. Pendant cette scène muette, on entend la musique de la fête, qui continue au loin) Scène Première BOUM Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, général, que fait-il? BOUM Il danse. Quand j’ai quitté le bal, Il était en train d’exécuter un cavalier seul. LA GRANDE-DUCHESSE Il danse! Et tout à l’heure, Cet homme, qui maintenant se trémousse... Mais aurez-vous le temps de tout Préparer pour la catastrophe? S’il allait venir? BOUM Pas de danger! Je lui ai fait savoir que Votre Altesse Lui défendait de quitter le bal Avant la fin du cotillon. LA GRANDE-DUCHESSE Comment a-t-il reçu cet ordre? BOUM Avec une mauvaise humeur évidente "Comme c’est amusant, A-t-il dit, un jour de noces!" LA GRANDE-DUCHESSE Il a dit cela? BOUM Il l’a dit. LA GRANDE-DUCHESSE Ah! il l’aime bien, cette petite! Mais patience! patience! BOUM Que regardez-vous, Altesse? LA GRANDE-DUCHESSE Là, sur ce parquet, Il y a une grande tache rouge Quand les étrangers Visitent ce palais, On leur montre cette tache, En leur disant "C’est là que le comte Max est tombé!" Est-ce vraiment là? Je n’en sais rien. En tout cas, Les concierges du palais Racontent cette histoire Et s’en font un bon petit revenu. O grandes leçons du passé! BOUM Grave enseignement de l’histoire! LA GRANDE-DUCHESSE Ici le drame s’est glissé! BOUM Eclair sombre Dans la nuit noire! LA GRANDE-DUCHESSE Tout ça pour que, cent ans après, Racontant la scène émouvante, Le concierge de ce palais S’en fasse une petite rente! ENSEMBLE Le concierge de ce palais S’en fasse une petite rente! LA GRANDE-DUCHESSE Ce qu’on a fait, on le refait. BOUM L’histoire est comme un cercle immense! LA GRANDE-DUCHESSE L’aïeule a commis son forfait. BOUM L’enfant vient et le recommence! LA GRANDE-DUCHESSE Tout ça pour que, Dans deux cents ans, Exploitant ces scènes navrantes, Du portier les petits enfants Aient aussi leurs petites rentes! ENSEMBLE Du portier les petits-enfants Aient aussi leurs petites rentes! BOUM À partir de demain, alors, Il y aura deux histoires à raconter, Deux taches à montrer Et deux bons petits revenus Pour messieurs les concierges! LA GRANDE-DUCHESSE Probablement, mais vos complices? BOUM Ils m’attendent dans Ce corridor mystérieux. (Il montre la porte secrète) LA GRANDE-DUCHESSE Ouvrez-leur la porte; Je vais, moi, me cacher Derrière cette draperie. BOUM J’en suis bien aise. LA GRANDE-DUCHESSE Pourquoi ça? BOUM Si vous n’aviez pas été là, Derrière cette draperie, Notre conspiration Ça aurait manqué de femmes! LA GRANDE-DUCHESSE Gardez-vous cependant De révéler ma présence Au dernier moment, Si je le juge convenable, Je me montrerai. BOUM Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Maintenant, faites entrer vos amis Et tâchez de me mener ça rondement! (Elle disparaît par la droite) Scène Seconde BOUM (seul, allant au portrait) Le portrait, Le voilà c’est Le genou qu’il faut toucher. (la porte secrète s’ouvre. Entrent Puck, le prince Paul, Népomuc et le baron Grog) Un, deux, trois, quatre Où sont les autres? PUCK Ils viendront quand il en sera temps Si nous étions venus tous ensemble, Cette fugue générale Eût inspiré des soupçons. BOUM Vous avez raison. LE PRINCE PAUL D’abord, il faut prendre nos mesures. BOUM (à Népomuc) Vous êtes des nôtres, monsieur? NÉPOMUC Dès que j’ai su que cela était Agréable à la Grande-duchesse. LE PRINCE PAUL Vous êtes un malin. NÉPOMUC Je suis pauvre, monsieur, Mais je suis ambitieux. BOUM Donnez-moi votre main, monsieur. NÉPOMUC La voici, général. BOUM J’aime les gens de cœur! (Au prince Paul, en montrant le baron Grog) Monsieur aussi Est avec nous, prince? LE PRINCE PAUL Oui, général. TOUT LE MONDE Baron! GROG Messieurs! PUCK Monsieur le baron sait de quoi il s’agit? GROG (d’un ton dégagé) Parfaitement! Il ne s’agit que de tuer un homme. LE PRINCE PAUL C’est ici la chambre? PUCK Oui; c’est ici que nous le frapperons. BOUM Et maintenant, écoutez-moi tous. (Il tire son sabre) PUCK Qu’est-ce que c’est que ça encore? LE PRINCE PAUL (effrayé) Rengainez ça! TOUS Oui, oui, rengainez! BOUM Quand on se fourre dans ces choses-là, Il faut y rester jusqu’au bout! Je coupe en quatre celui qui aurait Envie de renâcler. PUCK Mais personne n’a envie. BOUM Si vous avez envie de renâcler, Dites-le, je vous coupe en quatre! LE PRINCE PAUL Rengainez donc! PUCK Mais, encore une fois, Personne n’a envie Il n’y a pas moyen de discuter Raisonnablement avec un homme Comme vous. BOUM (remettant son sabre au fourreau) J’ai dit ce que j’ai dit! LE PRINCE PAUL En voilà assez! (La Grande-duchesse rentre par la droite et vient se placer entre Boum et Puck) Scène Troisième LA GRANDE-DUCHESSE Sont-elles bonnes, au moins, Les lames de vos poignards, messieurs? LES CONJURES Son Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Oui, messieurs j’étais là décidée À paraître au dernier moment, Pour exciter votre courage, S’il en était besoin; Mais je vois Que cela n’était pas nécessaire. NÉPOMUC Non, certes. PUCK Qu’il vienne, et vous verrez! BOUM Je le couperai en quatre! LA GRANDE-DUCHESSE Ah! une prière, messieurs. PUCK Dites un ordre! LA GRANDE-DUCHESSE Ce que je vous recommande, Avant tout, c’est, en le frappant, De ne pas le frapper au visage. GROG (dans le coin à gauche et masqué par le Prince Paul ironiquement) Ah! ce serait dommage! LA GRANDE-DUCHESSE Qui a dit cela? GROG (se montrant) Moi. LA GRANDE-DUCHESSE Qui ça, vous? Je connais tous les conjurés Qui sont ici; Mais vous, je ne vous connais pas. LE PRINCE PAUL C’est mon Grog. LA GRANDE-DUCHESSE Votre Grog? LE PRINCE PAUL Eh! le baron Grog L’envoyé de papa celui que vous N’avez pas voulu recevoir. LA GRANDE-DUCHESSE (regardant Grog avec intérêt, et passant près du prince Paul) Ah! j’ai eu tort. BOUM Vous dites? LA GRANDE-DUCHESSE (au prince Paul, à Boum et à Puck) Rien, rien Allez placer vos hommes, messieurs, Et, quand vous les aurez placés, Revenez tous les trois vous, Baron Grog, restez. GROG Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, quoi? Ne m’aviez-vous Pas demandé une audience? Cette audience, Je vous la donne maintenant (aux conjurés) Allez, messieurs, allez. LE PRINCE PAUL (bas, à Grog) Grog, soyez brûlant! (Boum, Puck et le prince Paul sortent par la première porte à gauche; la Grande-duchesse les accompagne un peu. Grog passe à droite) Scène Quatrième LA GRANDE-DUCHESSE Ce qui m’a tout de suite Frappée, en vous, C’est que vous avez l’air bon. GROG Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Tout à fait bon. GROG Il vous plaît, alors, Que nous parlions de mon prince? LA GRANDE-DUCHESSE Tout à l’heure Laissez-moi, d’abord, Me féliciter d’avoir pour ami Un homme tel que vous. GROG Comment? LA GRANDE-DUCHESSE Sans doute... Puisque je vous trouve au nombre De ceux qui doivent me venger! GROG Oh! Quant à cela, J’avoue que ce n’est pas Précisément par amitié. Votre Altesse s’obstinait À ne pas me recevoir Ça m’ennuyait de ne rien faire; J’ai conspiré un brin pour me distraire. LA GRANDE-DUCHESSE Pour vous distraire? GROG Pas pour autre chose. LA GRANDE-DUCHESSE Comme j’aime Votre genre de conversation! Vous dites des choses à faire sauter! Et votre figure ne bronche pas. GROG C’est le résultat de l’éducation. LA GRANDE-DUCHESSE Ah! GROG Dès mes plus jeunes années, Ma famille m’a destiné à la diplomatie. Alors, on m’a appris à avoir l’air froid Quand j’étais tout petit. LA GRANDE-DUCHESSE Il y a longtemps. GROG Oui, il y a longtemps Quand j’étais tout petit, Toutes les fois que l’on m’attrapait À ne pas avoir l’air froid, On me flanquait des coups. LA GRANDE-DUCHESSE Pauvre enfant! Voulez-vous me permettre De vous donner un conseil? GROG Avec plaisir. LA GRANDE-DUCHESSE Tout à l’heure, Quand le moment sera venu, Quand il faudra taper Sur le général Fritz, Ne vous mettez pas en avant Vous seriez capable d’attraper Ne balafre qui vous défigurerait. GROG Ah! bien! LA GRANDE-DUCHESSE Tenez-vous derrière les autres. Quand le coup sera fait Et qu’il n’y aura plus Qu’à recevoir les récompenses, Je ferai passer les autres derrière vous. (Grog fait un petit mouvement des lèvres) Qu’est-ce que vous avez? Vos lèvres viennent de faire Un petit mouvement... comme ça. (elle l’imite) Chez un autre, ça ne serait rien... Mais chez vous, Ça doit être un éclat de rire. GROG Juste! LA GRANDE-DUCHESSE Comme je vous connais déjà! Qu’est-ce qui vous fait rire autant Que ça, dites-moi? GROG Je ne peux pas. LA GRANDE-DUCHESSE Pas mon ami, alors? GROG Si fait. LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien? GROG Il y a une heure, vous trembliez Pour la figure du général Fritz... Maintenant, vous tremblez Pour ma figure, à moi. LA GRANDE-DUCHESSE (souriant, à part) C’est vrai, pourtant! GROG Si l’on était avantageux, Si l’on voulait tirer des conséquences. LA GRANDE-DUCHESSE Chut! faut pas! GROG Non. LA GRANDE-DUCHESSE Ne parlons pas de ça! GROG Si nous parlions de mon prince? LA GRANDE-DUCHESSE Tout à l’heure Qu’est-ce que vous êtes là-bas, là-bas, À la cour de votre maître? Chambellan? GROG J’ai aussi le grade de colonel, Au palais seulement. LA GRANDE-DUCHESSE Vous auriez mieux Que cela à ma cour, Si vous vouliez quitter Le service de l’Electeur. GROG Malheureusement pour moi, C’est impossible. LA GRANDE-DUCHESSE Impossible? GROG Sans doute! À moins que Votre Altesse Ne consente à épouser mon prince. LA GRANDE-DUCHESSE (à part) Aïe! aïe! aïe! GROG Il serait tout simple, alors. LA GRANDE-DUCHESSE Epouser votre prince... Nous y voilà revenus! GROG Je pensais que nous n’avions Pas parlé d’autre chose. LA GRANDE-DUCHESSE Mes compliments, baron Vous êtes un fameux diplomate! GROG Je vous en supplie, Altesse, Prenez mon prince... Je vous assure que c’est Un bon petit jeune homme. LA GRANDE-DUCHESSE Un fameux diplomate Il n’y a pas à dire! GROG Eh bien, que décidez-vous? LA GRANDE-DUCHESSE Voulez-vous que je vous dise? Je n’en sais rien. GROG Ah! LA GRANDE-DUCHESSE Tout ça, voyez-vous, Tout ça danse dans ma tête... Ça tourne! ça tourne! Fritz, vous, le prince Et Puck et Boum dans le fond. Ferai-je tuer, ne ferai-pas tuer? Et si je fais tuer quelqu’un, Qui ce sera-t-il? Ce sera-t-il Fritz? Ce sera-t-il vous? GROG Moi? LA GRANDE-DUCHESSE Je n’en sais rien. Voilà où j’en suis... Je n’en sais rien, absolument rien. (Le prince Paul, Boum et Puck rentrent par la première porte à gauche) Scène Cinquième LE PRINCE PAUL, BOUM ET PUCK Altesse! LA GRANDE-DUCHESSE Qu’y a-t-il? Ah! c’est vous, messieurs. LE PRINCE PAUL (bas, à Grog) Eh bien? GROG (bas) Ça marche. LE PRINCE PAUL (bas, avec effusion) Ah! mon ami! LA GRANDE-DUCHESSE (à Boum) Vous avez placé vos hommes? BOUM Oui, Altesse. LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, allez les trouver derechef Et dites-leur qu’ils Peuvent rentrer chez eux. PUCK (étonné) Comment? LA GRANDE-DUCHESSE (regardant Grog, avec intention) On ne frappera pas. BOUM (stupéfait, avec éclat) Ah! bien, par exemple! LA GRANDE-DUCHESSE (avec sévérité) Vous dites? BOUM Je ne dis rien parce que Votre Altesse est là... Mais, si Votre Altesse n’était pas là... Je dirais que c’est insupportable, à la fin! LA GRANDE-DUCHESSE Vous vous oubliez, ce me semble. BOUM Non, mais enfin tout était Bien convenu, Bien arrangé et puis, Au dernier moment, Vous venez nous dire... LE PRINCE PAUL C’est très désagréable, On se donne du mal Pour monter une petite partie. PUCK Toute la peine était prise il ne, Restait plus que le plaisir. LA GRANDE-DUCHESSE J’ai dit que l’on ne frapperait pas. BOUM Mais pourquoi? LA GRANDE-DUCHESSE Frapper un homme Le jour où je me marie, Cela ne serait pas convenable. (Etonnement général) PUCK Le jour où vous vous mariez! LE PRINCE PAUL (avec joie) Vous l’avez dit, ma chère, vous l’avez dit! LA GRANDE-DUCHESSE Oui, je l’ai dit. LE PRINCE PAUL Vraiment, vous consentez enfin? LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, oui, je consens. Remerciez le baron, Vous lui devez beaucoup; Je n’ai pu résister à son éloquence. LE PRINCE PAUL Ah! Baron! Tous les ans, au jour de l’an, Papa me donne le droit De faire un margrave. Il aime mieux ça Que de me donner de l’argent. Eh bien, je ne vous dis que ça. LA GRANDE-DUCHESSE Eh bien, général Boum? Eh bien, baron Puck? PUCK Eh bien, mais, Altesse, il est bien évident Que le jour où Votre Altesse consent À couronner les feux dont Son Altesse brûlait Pour Votre Altesse il serait malséant de. BOUM Je ne dis pas le contraire, Mais c’est bien désagréable! Il m’en a fait de toutes les couleurs, ce Fritz! Il m’a enlevé ce panache Qui faisait mon orgueil! Il m’a enlevé une femme Qui eût fait mon bonheur! Et je ne me vengerais pas! (avec force) L’ennemi! où est? LA GRANDE-DUCHESSE (l’interrompant) N’est-ce que cela? Vengez-vous tout à votre aise pourvu, Bien entendu, Que vous n’alliez pas jusqu’à. BOUM Pourvu que nous ne sortions Pas des limites de la fantaisie. LA GRANDE-DUCHESSE Justement! PUCK Alors, si nous trouvons Quelque bon tour à lui jouer, Vous nous permettez. LA GRANDE-DUCHESSE Non seulement je vous le permets mais, Voulez-vous que je vous dise? Cela me fera plaisir. BOUM Oh! alors. LA GRANDE-DUCHESSE On vous l’amène Trouvez quelque chose, Cela vous regarde. Prince Paul? LE PRINCE PAUL Ma chérie? LA GRANDE-DUCHESSE Dans deux heures, à la chapelle, Soyez exact. Je vais, moi, faire un choix parmi Les quarante toilettes de mariage Que j’ai été sur le point de mettre Pour vous épouser. (elle se dirige vers la droite, le prince Paul va pour lui baiser la main, elle la retire en disant ) Oh! pas encore! Dieu vous garde, messieurs! (Elle sort) PUCK (à Boum) Le voici qu’est-ce Que nous allons lui faire? BOUM Je tiens ma fantaisie! Nous allons lui arranger Une petite nuit de noces. (Boum et le prince Paul se rangent près de Grog. Entrent, par la première porte à gauche, Fritz et Wanda en mariée; ils sont accompagnés de tous les seigneurs et dames de la cour. Tous portent des lanternes dorées) Scène Sixième CHŒUR Nous amenons la jeune femme Dans la chambre de son mari; Maintenant nous allons, madame, Vous laisser seule avec lui. Nous amenons la jeune femme, Dans la chambre de son mari! FRITZ Bien obligé, messieurs, mesdames Bien obligé de votre bonne conduite! (Au prince Paul, à Grog, à Boum et à Puck) Vous étiez ici, messieurs? PUCK Oui, pour vous faire honneur. FRITZ Bien obligé aussi! Mais si, après m’avoir fait Beaucoup d’honneur, Vous vouliez me faire Beaucoup de plaisir. PUCK Nous nous en irions? FRITZ Eh! bédame! Allons, messieurs, Bonsoir, bonsoir! PUCK (à Fritz) Bonne nuit, monsieur, bonne nuit! LES AUTRES Bonne nuit! PUCK Ce simple mot doit vous suffire; Vous comprenez ce qu’on veut dire, Heureux coquin, lorsqu’on vous dit Bonne nuit! TOUS Bonne nuit! BOUM (à Wanda) Bonsoir, madame, bonne nuit! TOUS Bonne nuit! BOUM Ce compliment vous fait sourire, Bien qu’ignorant ce qu’on veut dire, Jeune épouse, quand on vous dit Bonne nuit! TOUS Quand on vous dit bonne nuit! Bonne nuit! (Tous, excepté Fritz et Wanda, sortent à gauche. Grog, Boum, Puck et le prince Paul sortent les derniers, après avoir salué très profondément les nouveaux époux) Scène Septième FRITZ Enfin, nous voilà seuls! WANDA Oui et je n’en suis pas fâchée. FRITZ Moi non plus, par exemple, moi non plus! WANDA Mais ce n’est pas cela je veux dire que, Maintenant que tout le monde Vous a félicité, Je puis enfin, moi aussi, Vous dire mon compliment. FRITZ Naïve enfant! WANDA Monsieur le général! FRITZ Ça fait une différence, n’est-ce pas, Quand on s’attendait à épouser Un pauvre jeune soldat, Et qu’on se trouve, par le fait, Epouser un général en chef Couronné par la victoire? WANDA Il est clair que dans le premier moment. FRITZ Tu es éblouie avoue le, Naïve enfant. WANDA Non mais... FRITZ Mais tu es éblouie et pourquoi ça? C’est parce que tu vois mon panache, Et mes insignes, et toute ma passementerie Mais je ne me serai pas plus tôt débarrassé. (Il ôte son chapeau, sa pelisse et sa sabretache qu’il pose sur la console du fond) WANDA Eh bien, mais qu’est-ce que tu fais? FRITZ Je te rassure, naïve enfant, je te rassure. WANDA Oh! mais tu as une façon De rassurer les gens, toi. FRITZ Eh bien n’est-ce pas? Quand on est mari et femme Car nous sommes mari et femme, N’est-il pas vrai? WANDA Sans doute, sans doute. FRITZ Eh bien, alors fais comme moi. WANDA Tu dis? FRITZ J’ai ôté mon panache Ôte ton panache aussi. WANDA Tout à l’heure. FRITZ Pourquoi tout à l’heure? Toujours cette timidité! A cause de mon grade n’est-ce pas? Je suis bien sûr que si, Au lieu d’être tous les deux ici dans Un appartement richement décoré, Nous étions dans ta simple cabane, Tu n’hésiterais pas tant... mais voilà. C’est une chose à remarquer que, Plus on s’enfonce Dans les classes élevées, Plus on fait des manières. Eh bien, il ne faut pas Il n’y a pas à dire "ma belle amie", Il faut te rassurer, à la fin. O ma Wanda! (Il la prend par la taille) WANDA (se dégageant) C’est pourtant vrai que j’ai un peu peur. Faut-il, mon Dieu, que je sois bête! C’est pourtant vrai Qu’il m’interdit, Avec cet or sur son habit Et son panache sur la tête! Mon dieu, faut-il que je sois bête! Pourquoi, diable, avoir peur de lui? C’est mon mari! (a ce moment, on entend un violent roulement de tambours) Qu’est-ce que c’est que ça? FRITZ Je ne sais pas, moi. (Nouveau roulement de tambours) CRIS SOUS LA FENETRE Vive le général Fritz! WANDA (remontant près de la fenêtre) On t’appelle. FRITZ C’est une aubade…il n’y a pas à dire Mon bel ami, c’est une aubade... Après ma victoire, c’est bien naturel... Mais ils auraient pu choisir Un autre moment. NOUVEAUX CRIS Vive le général! WANDA Mais ils ne s’en vont pas! FRITZ Non, ils attendent Que j’aille leur parler. C’est le seul moyen De les faire partir. WANDA Parle leur donc. Mais tu m’avoueras que c’est bien désagréable. (Fritz va à la fenêtre et l’ouvre. Nouveau roulement de tambours) NOUVEAUX CRIS Vive le général! FRITZ (à la fenêtre) Messieurs les tambours... Je n’ai pas besoin de vous déclarer Que je suis sensible... Mais je vais vous dire vous Ne savez peut-être pas Je me suis marié aujourd’hui... Alors, vous devez comprendre... Bonsoir, Messieurs les tambours allons, Bonsoir, bonsoir! (Il leur jette de l’argent) NOUVEAUX CRIS. Vive le général Fritz! (Les tambours s’éloignent) FRITZ (revenant à Wanda, après avoir fermé la fenêtre) Tu vois, c’est fini. O ma Wanda! On peut être aimable et terrible! Je suis un grand chef, j’en conviens Mais sous le grand chef, vois tu bien, Tu trouveras l’homme sensible, À la fois aimable et terrible! Pourquoi, diable, avoir peur de lui? C’est ton mari! (Musique militaire sous la fenêtre) WANDA Encore! FRITZ Maintenant, c’est la musique. Nous aurions dû nous y attendre... Après les tambours, Il y a toujours la musique. CRIS SOUS LA FENETRE Vive le général Fritz! WANDA Ah! tu m’avoueras. FRITZ Qu’est-ce que tu veux? Je vais leur parler. (Il retourne à la fenêtre) Messieurs les musiciens. (La musique s’arrête) NOUVEAUX CRIS Vive le général! (On bombarde Fritz de bouquets) FRITZ (à Wanda) Tu vois! ils sont aimables! (Recevant un bouquet en pleine figure) Très aimables! (Wanda ramasse les bouquets, les met sur la table. Fritz se penche à la fenêtre pour parler aux musiciens) Messieurs les musiciens Je suis fâché qu’en venant Vous n’ayez pas rencontré Messieurs les tambours. Ils auraient pu vous dire Que je me suis marié aujourd’hui... Alors, vous devez comprendre... Bonsoir, messieurs les musiciens Bonsoir, bonsoir! (Il leur jette de l’argent) CRIS Vive le général! FRITZ Ils sont partis, je t’assure (fermant la fenêtre et revenant à Wanda) O ma Wanda! Où en étais-je resté?... (se souvenant) Ah! reprenons. (Il va pour l’embrasser. Au même instant, on frappe violemment à toutes les portes, excepté à la porte secrète) WANDA (effrayée) Qu’est-ce que c’est encore? Scène Huitième CHŒUR (au dehors) Ouvrez, ouvrez, dépêchez-vous, Où nous irons chercher main-forte; Ouvrez, ouvrez, jeunes époux, Ou bien nous enfonçons la porte! WANDA Mon ami, n’ouvre pas! FRITZ As pas peur! WANDA O ciel! La porte cède! Ah! je meurs de frayeur! (Les portes s’ouvrent. Entrent par celle de gauche le prince Paul, Puck, Grog et les seigneurs et dames de la cour; par celle de droite, les demoiselles d’honneur et les pages) LE PRINCE PAUL, BOUM ET PUCK Que le ciel soit béni! Nous arrivons à temps! FRITZ ET WANDA (à part) Mais que nous veulent Tous ces gens! PUCK (venant se placer entre Fritz et Wanda) A cheval! à cheval! Vite, monsieur le général! (Wanda revient près de Fritz) CHŒUR A cheval! à cheval! Vite, monsieur le général! LE PRINCE PAUL (venant à son tour entre Fritz et Wanda) Au combat volez tout de suite! Il s’agit d’être expéditif! L’ennemi, Qu’on croyait en fuite, A fait un retour offensif. (Wanda repasse près de son mari) CHŒUR Au combat volez tout de suite! etc. BOUM (même jeu que Puck et le prince Paul) Notre maîtresse vous invite A ne point faire le poussif; On ne vous en tiendra pas quitte, À moins d’un succès décisif. (Wanda revient encore près de Fritz) CHŒUR Notre maîtresse vous invite, etc., etc. FRITZ (allant à Boum) Mes bons amis, vous oubliez Que depuis un instant Nous sommes mariés. BOUM Que nous importe! il faut partir! Il faut aller vaincre ou mourir! FRITZ Alors, je vous laisse ma femme. PUCK (prenant la main de Wanda) C’est très bien nous gardons madame. (Il la fait passer près du prince Paul, qui cherche à la calmer) Mais dépêchez Et vous hâtez. FRITZ Qu’ai-je fait de mon ceinturon? CHŒUR Qu’a-t-il fait de son ceinturon? (A mesure que Fritz nomme un objet d’équipement, un seigneur le passe à Puck, qui le donne à Fritz et l’aide à le mettre) FRITZ Puisqu’il faut que je me harnache, J’ai besoin de mon ceinturon. CHŒUR Le voici, votre ceinturon. FRITZ Mais je n’ai pas la sabretache. CHŒUR La sabretache! FRITZ Et mon panache? Mon panache? Apportez-le moi, s’il vous plaît! Là! je suis complet! CHŒUR Il a son plumet! NÉPOMUC (entrant par la droite et apportant le sabre. A Fritz) Arrêtez, monsieur, arrêtez! J’apporte ce que vous savez! FRITZ Encore le sabre! (le prenant et avec rage) Si tu savais, sabre de son père, Comme ton aspect m’exaspère! CHŒUR Il faut partir! Il faut aller vaincre ou mourir! A cheval! à cheval! Vite, monsieur le général! Au combat volez tout de suite! A cheval! à cheval! Prenez le sabre et partez vite! A cheval! à cheval! (Boum retient Wanda, qui parvient à s’échapper et va se jeter dans les bras de Fritz; Boum les sépare de nouveau, et, lorsque Fritz va sortir, entraîné par Puck, le rideau tombe.) Offenbach,Jacques/La Grande-Duchesse de Gérolstein/IV